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Prolongation du glyphosate: l'Union européenne reporte le vote

 
 

Les représentants des Etats membres de l'UE, réunis dans un comité d'experts pour décider du sort du glyphosate, herbicide controversé dont la licence expire en décembre, n'ont pas voté mercredi, a annoncé la Commission européenne. La Belgique avait annoncé qu'elle voterait contre une proposition de prolongation pour une durée de 7 ou 10 ans.

La Commission qui, lors d'une annonce surprise mardi après-midi, a indiqué qu'elle visait désormais un renouvellement de l'autorisation de la substance pour une période réduite de cinq à sept ans, va "réfléchir" après avoir pris note des positions des différentes délégations. Elle fixera "sous peu" une nouvelle date de réunion, a-t-elle précisé dans un court message.

La proposition initiale de la Commission, faite l'été dernier, portait sur une période de réautorisation de 10 ans.

La Commission s'était fixée pour objectif d'organiser un vote mercredi lors de la réunion du comité des experts, dont les rencontres se font toujours à huis clos. Le glyphosate était le seul point à l'agenda.

"Impossible de s'entendre sur la proposition de la Commission", a expliqué sur Twitter le ministère danois de l'Environnement.

Selon une porte-parole de la Commission, l'exécutif européen maintient son objectif de "trouver une solution qui bénéficie du soutien le plus large possible, qui assure un haut niveau de protection de la santé humaine et de l'environnement, en ligne avec la législation européenne et fondée sur les données scientifiques disponibles".

Il faut une majorité qualifiée --55% des Etats membres représentant 65% de la population-- pour accepter ou rejeter la proposition de la Commission, difficile à atteindre sans les poids lourds démographiques de l'UE.

Plusieurs Etats membres, France, Autriche, Italie en tête, ont affirmé publiquement leur opposition à une autorisation valable pour encore 10 ans.

Mercredi matin, la Belgique avait rejoint le camp des opposants. "On ne veut pas de délais trop longs", avait expliqué à l'AFP le cabinet du ministre belge de l'Agriculture Denis Ducarme.

Mardi, le Parlement européen avait vote en faveur d'une disparition progressive du glyphosate des sols de l'UE d'ici fin 2022.


"Un plan de sortie progressif pour les agriculteurs qui sont extrêmement dépendants de ce produit"


Pour le ministre fédéral de l'agriculture Daniel Ducarme, protéger la santé des agriculteurs tout en les aidant à se passer du glyphosate dans la protection de leur culture ne se fera pas en prolongeant le glyphosate de dix ans comme le suggère la commission européenne. "Il faut mettre un plan de sortie progressif pour les agriculteurs qui sont extrêmement dépendants de ce produit mais la proposition actuelle de la commission ne me satisfait pas", avait déclaré hier le ministre interrogé par notre journaliste Bernard Lobet.


Quel est l'avis des agriculteurs?

Pour certains agriculteurs, le glyphosate est indispensable; pour d'autres il est tout à fait inutile. Pierre Fagnart et Sébastien Prophète ont croisé les deux points de vue. Jean-Louis est agriculteur à Liernu et il ne pourrait pas se passer du glyphosate. Il le considère "indispensable à certains moments. Des années où je n’aurais pas de mauvaises herbes vivaces qui auront repoussé entre les cultures, je ne l’utiliserai pas". Si le produit venait à être interdit, il fait remarquer qu’ils devraient utiliser plus d’herbicides sélectifs. "On devrait en utiliser plus, c’est le seul moyen que l’on a et qui est loin d’être aussi efficace que l’utilisation du glyphosate", précisé l’agriculteur.

Mais il y a aussi d’autres avis. Celui de Joël, par exemple, qui fait de l’agriculture bio à Orp-Jauche. "On peut s’en passer, il suffit de travailler son sol, retrouver les bonnes pratiques agricoles et on peut se passer largement de ce produit-là", insiste-t-il. Joël utilise un outil spécial, une sorte de herse traînée par un tracteur. "Vous avez les dents qui cassent un petit peu les cinq premiers centimètres du sol et vous avez une herse derrière qui permet de traîner la mauvaise herbe sur le dessus du sol et le soleil brûle la mauvaise herbe", décrit-il encore.


"On plaide clairement pour une réautorisation pour 10 ans, sous conditions"

La Fédération wallonne de l’agriculture (FWA) plaide, elle, pour un renouvellement d’une part et pour de la recherche et du développement, d’autre part, pour laisser le temps aux agriculteurs de s’adapter. "Une interdiction maintenant, on n’a pas les solution alternatives. Donc nous on plaide clairement pour une réautorisation pour 10 ans, sous conditions. Et permettre, à ce moment-là, que ce soit au niveau des instituts de recherche, au niveau de la technologie, au niveau de l’équipement des exploitations agricoles, parce que ça demande aussi des investissements différents s’il faut passer vers d’autres types de techniques. Donc c’est laisser du temps aussi à l’évolution des choses", détaille Bernard De Coq, conseiller au service d'études de la FWA.


Mais y a-t-il vraiment des conséquences de l'usage du glyphosate sur nos organismes?

Selon Alfred Bernard, toxicologue, directeur de recherche FNRS et chercheur à l'UCL, les preuves sont limitées pour l’homme. "En 2015, Le CIRC, qui est le centre international de recherche contre le cancer, qui dépend de l'OMS, a classé le glyphosate comme cancérogène possible pour l'homme, sur la base d'études épidémiologiques qui ont montré que les cultivateurs qui avaient manipulé ce produit pendant des années, avaient de deux fois à trois fois plus de développer un cancer du sang, qu'on appelle un lymphome. Ça c'est une constatation qui a été faite par cette agence, et qui au fond, concerne surtout les risques professionnels.

"Le problème, au fond, et c'est l'origine de la polémique actuelle, c'est que toutes les autres agences de sécurité sanitaire, de l'environnement, de l'alimentation, y compris les agences européennes, considèrent que le glyphosate n'est pas un cancérogène probable pour l'homme. Donc il est improbable que ses substances comportent un risque. A mon avis, et si on regarde ces documents, la polémique provient du fait que les preuves sont limitées pour l'homme. Ce qui laisse place, au fond, au jugement personnel des experts et au risque de conflit d'intérêt"
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Faut-il s'en méfier ou pas?

"Ceux qui doivent s'en méfier, ce sont les cultivateurs, et ils le font. En revanche, pour vous et moi, pour les particuliers, pour les consommateurs, il n'y a pas de risque. C'est vraiment un risque professionnel lié à des doses importantes, des expositions chroniques sur plusieurs années", insiste encore M. Bernard.


 

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