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Virée à 54 ans, une caissière raconte sa reconversion vers le nettoyage à domicile: "J'ai dû travailler dans des logements insalubres"

Virée à 54 ans, une caissière raconte sa reconversion vers le nettoyage à domicile: "J'ai dû travailler dans des logements insalubres"
 
 

Comment retrouver un travail à 54 ans, lorsqu'on a été caissière toute sa vie? Christine a dû trouver une réponse à cette question, après avoir perdu son emploi au sein du supermarché qui l'employait. Elle raconte son long et digne parcours du combattant pour reprendre sa carrière en main par le biais du secteur du nettoyage.

A 54 ans, Christine (prénom d'emprunt) a déjà une belle carrière derrière elle. "J'ai travaillé pendant 35 ans dans un supermarché, explique-t-elle, après nous avoir écrit via notre bouton orange Alertez-nous. J'ai commencé à travailler là avant même d'avoir 18 ans". Fidèle au poste, méticuleuse dans son travail, toujours à l'heure, cette habitante du Brabant wallon fera pourtant partie du personnel sacrifié par l'entreprise lors d'une récente procédure de restructuration. "J'ai été licenciée pour raisons économiques, précise l'ex-employée, qui préfère taire le nom du supermarché en question. Ils m'ont proposé un préavis de 35 mois".


Il y a une vie après une longue carrière au même endroit: Christine veut "saisir sa chance"

Qu'allait devenir Christine? Comment retrouver un nouvel emploi à plus de 50 ans ? "On entend partout dans les médias que déjà dès 40 ans, il est très difficile de retrouver un travail, indique-t-elle. Or, je ne voulais vraiment pas me retrouver au chômage". Christine doit désormais imaginer un nouvel avenir, elle qui a passé de belles années dans ce supermarché. "Il y avait une bonne ambiance entre les employés et les clients aimaient ça, se souvient-elle. Et puis, les chiffres étaient bons". Mais au fil des ans, la situation s'est gâchée: "Aujourd'hui, le personnel doit faire le même travail, mais avec moins d'effectif. Avant, les pauses étaient payées, maintenant plus. Et puis c'est devenu très stressant, on avait une sorte d'évaluation critique sur notre travail, notre comportement, comme une sorte de bulletin. Il n'y avait plus cette confiance qu'on aimait tant". Christine en est sûre: elle saisira sa chance de quitter le milieu du supermarché.

Alarmes antivol, bips incessants aux caisses : "Je n’en pouvais plus des nuisances sonores"

Christine rêve alors de trouver un travail "plus valorisant" dans lequel elle jouit d'une "plus grande liberté". A 54 ans, elle veut changer d'environnement. "Je n'en pouvais plus des nuisances sonores, décrit-elle. Les alarmes antivol, les bips sonores quand on scanne chaque produit aux caisses, les alarmes stridentes qui se déclenchent quand les clients passent par une porte de secours, etc. Une fois, j’ai entendu à la radio que le bruit pouvait provoquer des problèmes au cœur, à terme. Je ne supportais plus tout cela, j'avais des bourdonnements dans les oreilles. Je finissais par entendre ces bips bips bips pendant la nuit ! J'avais d'autres collègues qui le disaient aussi. On se disait qu’on allait devenir sourdes".

Christine fait une croix sur l’administratif et se tourne vers un autre secteur

Avec l’aide des cellules de reconversion du Forem dont Christine peut profiter et grâce aux formations diverses qu’elle suit par la suite en langues notamment, l’ex-caissière espère se rediriger vers une profession administrative. "Au calme, dans un bureau par exemple", imagine Christine.Mais les formateurs l’en découragent. "On m'explique que les universitaires ont eux aussi du mal à trouver un emploi et qu'ils se rabattent sur tous les jobs administratifs. N'ayant pas de diplôme, je n'avais aucune chance de rivaliser". Christine envisage alors de devenir réceptionniste dans un hôtel. "Là, on m'a dit 'Attention, ce sont des horaires de nuit notamment'". Les cuisines de l'hôtel alors? "Ca m'intéressait beaucoup, mais les formateurs m'ont dit que c'était très lourd comme métier et très difficile de commencer une carrière à mon âge. Franchement, sans diplôme, à l'âge que j'avais, j'étais découragée. Je me suis dit 'Rabats-toi sur quelque chose de sûr'".

C'est donc à ce moment-là que Christine se tourne vers le secteur du nettoyage. "Là, ils engagent, assure-t-elle. Et avec les titres-services, on a vraiment du travail rapidement". Le rêve d'un emploi plus tranquille s'envole et la deuxième vie professionnelle de Christine commence: celle du nettoyage au sein des foyers, via les titres-services.


Nettoyer chez les gens : "Parfois, c’est très sale, très encrassé, sans parler des toilettes…"

Christine connaît le secteur du nettoyage en entreprise: elle y a travaillé durant plusieurs années pour compléter son horaire partiel en grande surface. Mais désormais, le contexte est différent. "Parfois, vous tombez sur des personnes très gentilles, qui vous offrent un café, avec qui vous liez un lien d'amitié, détaille Christine. Mais parfois, c'est autre chose. J'ai dû travailler dans des logements où c'était franchement insalubre. Certaines personnes laissent une carte de visite dans leurs toilettes si vous voyez ce que je veux dire... Parfois, les pièces sont remplies de brol, on n'a même pas le temps de faire toutes les pièces tellement il faut ranger avant de nettoyer. Les éviers sont très sales, très encrassés, les plaques de cuisinière aussi. Parfois, il n'y a pas les produits pour nettoyer ou alors les loques sont très sales. Une fois j'ai dû vider le petit pot du bébé qui avait fait ses besoins. Franchement, le manque de considération est ce qu'il y a de plus difficile dans ce métier".

"Madame met le doigt sur quelque chose d'important: le travailleur peut se retrouver seul face aux exigences fantaisistes ou déraisonnables du client, confirme Arnaud Le Grelle, directeur pour la Wallonie et Bruxelles chez Federgon, la fédération des partenaires de l'emploi. L'entreprise a alors la responsabilité d'agir par rapport à cela et d'aider l'aide-ménagère".


Frotter, gratter, essuyer, aspirer: "J'ai dû réduire mon horaire"

Il y a aussi les efforts physiques à consentir. "Souvent, vous vous mettez à quatre pattes pour aller nettoyer dans les recoins, vous vous servez de vos mains, vos bras, vos jambes pour nettoyer partout, décrit-elle. Chez certains clients, dans le Brabant wallon, il y a deux voire trois salles de bains à nettoyer. Puis, l'après-midi vous allez chez un autre client et là, encore deux salles de bains, une cuisine équipée. C'est trop. J'ai dû réduire mon horaire pour ça: j'étais crevée, épuisée. Au début, je faisais 33 heures par semaine et je suis passée à 18 heures". Le tout, pour "10,49€ de l'heure" au printemps dernier (depuis le 1er septembre 2017, le montant est de 10,82€, ndlr).

"Il y a effectivement une majorité de temps partiels parce que la charge physique est dure, confirme Arnaud Le Grelle. D'après l'ONSS (office national de sécurité sociale, ndlr), on tourne autour d'une vingtaine d'heures par semaine, avec un minimum imposé de 19 heures par mois".


Encore combien de temps?

Christine n'a pas connu l'évolution de carrière qu'elle espérait. Mais ce n'est peut-être qu'une question de temps.En effet, la quinquagénaire pourrait décrocher un autre emploi d'aide-ménagère, mais dans un centre culturel, cette fois. "Là, je suis payée 11€ de l'heure et je suis à l'aise dans mon travail, explique-t-elle. Je gère mon organisation de travail moi-même, j'ai le droit de prendre une boisson ou une tasse de café quand je le veux et surtout, la directrice est très à l'écoute. On discute, on collabore. Elle me demande mon avis pour améliorer des choses, je me sens très bien considérée. Elle me félicite pour mon travail. Quand on est quelqu'un de consciencieux, c'est important la reconnaissance".

Si une place se libère pour Christine au centre culturel, elle fera le choix d'y aller. "J'attends que cela se concrétise", dit-elle. En attendant, elle poursuit sa route au sein de dizaines de foyers pour boucler ses fins de mois.

Comment ça marche les titres-services?

En Belgique, selon Federgon, la fédération des partenaires de l'emploi, 166.091 personnes travaillent dans le secteur du nettoyage via les titres-services. (111.190 en Flandre où le système a commencé plus tôt, 20.095 à Bruxelles et 34.806 Wallonie).

Voici la logique du système: le client paie un chèque et pour chaque chèque envoyé vers l'opérateur, l'Etat va ajouter un complément. Ce complément va permettre la rémunération du travailleur et de l'entreprise qui joue le rôle d'opérateur. Actuellement, un chèque vaut 9€. Pour chaque chèque, les régions flamande et bruxelloise paient un complément de 13,69€. En Wallonie, le montant atteint 13,93€. Sur ce montant global, le travailleur sera payé 10,82€ de l'heure s'il a moins d'un an d'ancienneté (puis d'année en année, 11,24€, 11,38€ et 11,50€).

En 2008, le chèque était d'environ 7€. Pourquoi n'a-t-il pas augmenté ces dernières années? "Il faut que le système reste compétitif avec le travail au noir, éclaire Arnaud Le Grelle, directeur pour la Wallonie et Bruxelles chez Federgon, la fédération des partenaires de l'emploi. Il nous revient que des gens travaillent pour moins de 5€ par heure". 


 

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