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Une Brésilienne reçoit un nouvel ordre de quitter la Belgique: "Cela fait 8 ans que je fais tout pour me régulariser"

Une jeune Brésilienne reçoit un nouvel ordre de quitter la Belgique: "Cela fait 8 ans que je fais tout pour me régulariser"
 
 

Depuis huit ans, une jeune Brésilienne en séjour illégal entreprend des démarches administratives pour régulariser sa situation. En vain puisqu'elle a reçu un troisième ordre de quitter le territoire. Entretemps, elle est devenue maman d'un petit garçon il y a quatre ans. Voici l'histoire "belge" de Leiliam à travers laquelle nous vous expliquons les règles et procédures suivies par l'Office des étrangers.

"Je me sens très mal… Cela fait 8 ans que j’attends, c’est tellement long. Et je ne peux pas avoir une vie normale comme tout le monde", déplore Leiliam. Désespérée, la jeune Brésilienne nous a contactés via notre bouton orange Alertez-nous pour raconter son désarroi. "Nous avons déjà dépensé plus de 15.000 euros pour des avocats et les procédures administratives, je ne sais plus quoi faire", confie-t-elle.

Originaire de Xinguara, une ville située au centre du Brésil, la jeune femme est arrivée en Belgique en juillet 2006. Elle avait 19 ans. Sa destination n’est pas choisie au hasard. Leiliam rejoint en réalité son compagnon brésilien, arrivé dans notre royaume trois ans plus tôt, en 2003.

Selon elle, la jeune femme s’intègre rapidement dans notre société. Elle apprend le français et noue des liens sociaux et amicaux. Elle introduit une première demande de régularisation, en décembre 2009.


Une régularisation à titre exceptionnel

La Brésilienne invoque une demande d’autorisation de séjour sur base de l’article 9bis de la loi belge de décembre 1980. Il s’agit d’une sollicitation à titre exceptionnel pour des personnes se trouvant dans une situation urgente et vulnérable. "Ce n’est donc pas une demande basée sur un travail, un regroupement familial ou une demande d’asile qui aboutit à un statut de réfugié. C’est par exemple une personne âgée, handicapée ou malade qui éprouve des difficultés à rentrer dans son pays d’origine. Il s’agit donc de circonstances graves ou exceptionnelles qui justifient ce titre de séjour", explique Dominique Ernould, porte-parole de l’Office des étrangers.

Pour appuyer sa régularisation, Leiliam fait valoir ses nombreuses années vécues en Belgique. Elle remet plusieurs documents afin de prouver son intégration et sa présence ininterrompue dans notre pays. "J’ai donné la preuve des payements de mon loyer, de mon électricité, de mes factures d’internet et de téléphone", énumère la jeune femme qui habite à Jette, en région bruxelloise. Elle insiste également sur sa volonté de travailler, concrétisée par une promesse d’embauche.


"Les chances d’obtenir une réponse positive sont assez faibles"

Après un an et demi, la réponse tombe. En juin 2011, sa demande de séjour est rejetée. L’Office des étrangers estime que les motifs invoqués sont insuffisants pour justifier une régularisation. Un mois plus tard, elle reçoit donc un ordre de quitter le territoire belge.

Une situation qui n’étonne pas Dominique Ernould. "Nous recevons beaucoup plus de demandes de ce type que nous en acceptons. Les chances d’obtenir une réponse positive sont assez faibles", assure-t-elle.

Leiliam ne baisse pas les bras. La Brésilienne introduit un recours fin juillet 2011 auprès du Conseil du contentieux des étrangers. Les mois défilent à nouveau. Et l’ignorance quant à sa situation perdure.


Une victoire avant une nouvelle déception

En août 2013, Leiliam donne naissance à son fils, Filipe. Plus d’un an plus tard, la réponse tant attendue arrive. "Nous avons gagné le recours", raconte la Brésilienne. En septembre 2014, le Conseil annule en effet la première décision de l’Office des étrangers. Une satisfaction de courte durée. Une dizaine de jours plus tard, l’Office prend une deuxième décision. Il rejette à nouveau la demande de la Brésilienne.

Cette décision n’est toutefois notifiée à Leiliam que deux ans et demi plus tard, en février 2017. Un délai "déraisonnable", souligne son avocat dans le document officiel, même si aucun délai de notification n’est imposé à l’administration. La longue attente s'explique par la quantité de dossiers à gérer par l'Office des étrangers. "En 2009, suite à une grande campagne de régularisation, nous avons reçu des dossiers en masse. Le délai pouvait alors être de 2-3 ans. Pour gérer cet arriéré, nous avons engagé du personnel. Aujourd'hui, ce retard est résorbé à 100% et on peut dire que les personnes reçoivent une réponse dans les mois qui suivent", indique Dominique Ernould. Les dossiers sont traités par ordre d'arrivée, mais certains sont plus complexes que d'autres. "Le délai de réponse est alors plus élevé. Et de toute façon, il est vrai que les procédures en justice prennent du temps", souligne la porte-parole.


"Au Brésil, il y a plein d'écoles" 

Leiliam introduit un nouveau recours en mars dernier.  L'avocat de Leiliam pointe un élément particulier pour justifier la "vulnérabilité" de sa cliente: le fait que, selon lui, son enfant doit poursuivre sa scolarité obligatoire en Belgique. D’après la porte-parole de l’Office des étrangers, cet élément n’est cependant pas suffisant. "L’enfant suivra toujours la maman. Sa scolarité n’est pas considérée comme un argument valable si celle-ci peut être effectuée dans le pays d’origine. Au Brésil, il y a plein d’écoles où ce garçon pourrait être scolarisé. On ne le prive donc pas d’un enseignement", souligne Dominique Ernould.

Résultat: le même scénario se répète. Le recours est rejeté. Et la Brésilienne reçoit en septembre un nouvel ordre de quitter le territoire pour elle et son fils puisqu’un enfant doit suivre sa mère. "On s’est senti comme les personnes les plus vaincues dans le monde."

De son côté, son compagnon reste également considéré comme illégal dans notre pays, malgré les demandes de régularisation.


"Je ne veux pas quitter un pays que j’adore"

Après autant d’années, un retour au Brésil est en tout cas inimaginable pour elle. "Je ne veux pas quitter un pays que j’adore. Cela fait longtemps que nous habitons ici. Je ne connais plus rien du Brésil maintenant. J’ai de la famille là-bas, mais il y a longtemps que je ne les vois plus. Mon papa et ma maman sont au Brésil et ils ne connaissent pas mon fils parce que je ne peux pas quitter la Belgique pendant les recours", regrette Leiliam. "Même si c’est difficile, je veux me battre", ajoute-t-elle.


Combien de recours possibles ?

La mère de famille vient d’introduire un nouveau recours pour contester la dernière décision négative de l’Office des étrangers. Cela va-t-il réellement changer la donne ? Combien de recours peut-elle introduire ?

La porte-parole nous éclaire à nouveau sur ce point important. "Légalement, le nombre de recours est illimité. Mais pour chaque nouveau recours, il faut des éléments neufs afin de modifier la décision prise. Il ne faut pas que cela permette uniquement à l’étranger de prolonger son séjour", souligne Dominique Ernould.

A un moment donné, après le Xème ordre de quitter le territoire, si celui-ci n’est pas exécuté, la personne s’expose également à une mesure plus contraignante. "Soit nous pouvons demander à la commune d’effectuer un contrôle à l’adresse du domicile, soit la personne peut être contrôlée de manière fortuite dans les transports en commun par exemple. Dans ce cas-là, nous allons ouvrir le dossier, et si nous constatons 3,4,5 recours négatifs, nous pouvons intervenir pour placer cette personne en centre de rétention avant de la renvoyer dans son pays d’origine sous la contrainte. Il existe donc des risques à terme", met en garde la porte-parole.


Leiliam met en avant la santé de son fils

Malgré cela, Leiliam reste confiante. Elle ne comprend pas la situation et espère une issue positive. "Je ne demande pas de l’argent du gouvernement, mais juste le droit de pouvoir travailler et d’avoir une mutuelle pour pouvoir prendre soin de la santé de mon fils", supplie la mère de famille.

Le garçon est en effet atteint d’une maladie rare qui nécessite un suivi médical. "Dans son cas, ce n’est pas trop grave, mais il a besoin d’aller à l’hôpital", confie la Brésilienne.

Afin d’obtenir un titre de séjour, elle pourrait invoquer l’article 9ter qui se justifie par de graves problèmes de santé. Mais dans ce cas-là, elle devrait alors fournir des preuves que le renvoi dans le pays d’origine n’est pas possible car son fils ne pourrait pas y suivre son traitement. "Dans ce cas-là, les médecins-conseils de l’Office des étrangers évaluent le dossier et les soins existants dans le pays d’origine avant de prendre une décision et de se prononcer sur l’acceptation de la demande de régularisation", indique Dominique Ernould.

Son avocat affirme notamment à ce sujet que le fils de Leiliam est "actuellement suivi dans le cadre du programme de santé ONE jusqu’à l’âge de 16 ans, un programme inexistant au Brésil".

Aujourd’hui, Leiliam n’espère qu’une seule chose: offrir à son garçon un avenir qu’elle juge meilleur dans le seul pays qu’il connaît. En espérant accélérer les démarches, son avocat vient de demander une audience en urgence pour examiner son cas.


 

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