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Réponse d'une mère de famille au chômage à Elio Di Rupo: "Vous n’avez pas adouci la crise"

Réponse d'une mère de famille au chômage à Elio Di Rupo: "Vous n’avez pas adouci la crise"
 
 

Elle ne pensait jamais vivre une telle expérience. De bonne famille, diplômée, elle avait toujours travaillé. Mais maintenant qu'elle doit retrouver un travail en étant mère de 2 jeunes enfants, le système en place en Belgique lui bloque l'accès à n'importe quel emploi et la chasse aux chômeurs lancée sous le gouvernement Di Rupo vient frapper à sa porte. Déçue par l'action du gouvernement, elle expose ses critiques dans cet article.

Une internaute a contacté la rédaction de RTLinfo.be via notre page Alertez-nous. Elle souhaitait partager son expérience et poser une question au Premier ministre Elio Di Rupo, lui qui avait réclamé la clémence des électeurs de gauche par rapport aux exclusions du chômage avalisées par le PS. "Dites-le moi, sincèrement, qu’est-ce que je suis supposée faire maintenant?"

En effet, cette jeune femme de 33 ans avait toujours travaillé. Le chômage, elle le connaissait "de très loin". Mais au retour d’un congé de maternité, le couperet tombe: elle est licenciée. Depuis, malgré un rythme d’un CV envoyé par jour, le marché du travail ne lui a fait aucun cadeau. Elle qui est instruite et a toujours travaillé voit les mesures de limitation du chômage fondre sur elle sans possibilité de se réorienter. Voici son histoire:

Question à l’attention de nos élu(e) s et futur(e)s élu(e)s

Lors du journal télévisé sur RTL-TVI, à la question "que répondez-vous aux chômeurs qui vous critiquent suite à la réforme du système d’allocations de chômage?", M. Di Rupo a répondu: "Je voudrais qu’ils essayent de me comprendre."

Soyons honnêtes: ces personnes-là, celles directement visées par votre réforme, celles qui ne vont plus savoir payer leurs factures, celles qui vont envahir les CPAS ; ces personnes-là ne vont pas essayer de vous comprendre, pas un seul instant. Ces gens-là, vous les brisez ; vous les envoyez se démerder avec des problèmes financiers et professionnels gigantesques, des problèmes dont vous n’avez même pas idée et dont vous n’aurez probablement jamais idée.

Mais il y a ces gens-là et puis il y a les autres. Les gens comme moi. Ceux qui n’ont jamais été au chômage. Ceux qui ont vécu une enfance-adolescence au sein d’une famille relativement aisée. Ceux qui ont la chance d’avoir fait des études, supérieures ou universitaires. Ceux qui ont trouvé un emploi, qui en ont aussi changé au cours des 10 dernières années mais qui ont toujours connu le chômage de très loin.

Et puis, c’est la vie, il arrive parfois ce qu’on peut appeler un "coup dur", un licenciement. Brutal.

En l’occurrence, un licenciement 2 jours après un retour de congé de maternité. Parce que dans notre pays, certains hommes et femmes, chefs d’entreprise, ont cette idée qu’une femme, mère de 2 enfants, n’a "plus le profil requis pour la fonction".

Alors, on se retrouve, subitement, à aller s’inscrire dans un bureau de chômage et à rendre une carte bleue vierge, à la fin du mois, afin de percevoir ces fameuses allocations de chômage.

Mais on ne s’abat pas, on se relève, on n’a pas le choix et on se dit qu’on va rapidement retrouver du travail, que tout cela n’est qu’une mauvaise passe… Mais, vous le savez comme moi, les temps sont durs et le monde professionnel n’ouvre plus ses portes si facilement qu’avant. Comme tout le monde le dit "c’est la crise".

La crise, vous la connaissez encore mieux que nous, finalement…vous ne la subissez pas mais vous êtes supposé travailler pour la traverser…

Pour pouvoir trouver un job, on est prêt à accepter des conditions qu’on n’aurait jamais pensé connaitre: des semaines d’intérim, payées en dessous du barème légal. Puis un PFI. Puis un CDD. Malheureusement non renouvelé parce que l’entreprise a besoin "de fric" et donc, elle préfère engager un jeune homme sorti des études. Qui ne s’absentera pas pour cause de varicelle ou de bronchiolite. Qui pourra travailler jusque 21h parce qu’il n’a pas d’enfants à aller chercher à la crèche ou à l’école.

Une maman, c’est malheureux (?!), c’est elle qu’on appelle quand l’enfant tombe à l’école ou c’est à elle à se débrouiller quand son fils se réveille avec 40° de fièvre.

Alors, on retourne dans la grande valse du chômage. Et on apprend que nos allocations, que l’on a perçu… 3 mois seulement, finalement, vont très prochainement diminuer. Tellement diminuer que payer le remboursement du prêt de sa maison et la crèche de son enfant seront les SEULES dépenses possibles.

Alors, évidemment, avec une famille, une maison à payer, on s’inquiète, on s’affole. On se dit que peu importe l’épanouissement personnel et intellectuel, peu importe le plaisir et le bonheur de travailler, tout ça ne compte manifestement plus ici. Ce qu’il faut, c’est bosser. Envers et contre tout.

Moi qui voulais me réorienter dans une fonction d’assistante sociale, mon diplôme de base, plus compatible avec ma façon de penser et mode de vie, je me rends compte que je ne peux pas. Je n’ai pas le temps de postuler dans un secteur qui m’intéresse. Il faut que je retrouve vite un emploi alors je me retrouve finalement à postuler pour ma fonction précédente: déléguée commerciale.

Etrangement, on me propose peu d’entretiens. Pourtant, j’envoie minimum 1 CV par jour. Pourtant, j’ai plus de 8 ans d’expérience!

Mais entre-temps, j’ai eu 2 enfants. Et ils sont encore petits. Alors, lorsque je passe un entretien d’embauche, la 1ère question que j’entends c’est: "Vous avez 2 enfants, vous en voulez un 3eme?" Les plus honnêtes enchainent en me disant: "Parce que vous comprenez bien, les femmes enceintes, ça ne nous arrange pas hein, ça prend congé, ça tombe malade...".

Et s’ensuit alors la 2ème question: "Quand vos enfants sont malades, que faites-vous?"

Alors: à la 1ère question, je me permets de répondre que j’en discuterai avec mon mari plutôt qu’avec un éventuel futur employeur que je connais depuis 10 minutes.

A la 2ème question, je réponds que, "comme toutes les femmes qui travaillent, je m’organise".

Etrangement, je n’ai jamais été rappelée par un(e) de ces employeurs.

Avec le temps, je considère finalement ces expériences comme des signes: puisque le commercial ne veut plus de moi, je ne veux plus de lui non plus. Et je décide alors de suivre une formation ; pour me réorienter, me spécialiser, mettre toutes les chances de mon côté pour pouvoir retrouver rapidement un nouvel emploi dans lequel je pourrai m’épanouir et évoluer.

Mais nouvelle surprise: je ne peux accéder à la plupart des formations du Forem (celles qui me permettent de conserver quand même mes allocations et celles de courte ou moyenne durée, je dois vite me remettre à travailler ; on ne paie pas sa maison avec des cacahuètes… ) mais ces formations-là ne me sont pas accessibles. Parce que… je suis "SUR DIPLOMEE"… j’ai un GRADUAT! UN GRADUAT! Et ces formations sont réservées à ceux qui n’en ont pas!

Je ne peux pas, financièrement, me lancer dans une formation d’un an ou plus, je dois gagner ma vie puisque le système des allocations a été modifié.

Alors je postule à tout poste.

Administratif, secrétariat, assistante de direction : mais il existe des diplômes pour ces fonctions donc je ne suis pas contactée.
Aide à la petite enfance, assistante maternelle : je ne bénéficie pas d’aides à l’emploi assez importantes.

Mais alors… qu’est-ce que je peux faire?

Dites le moi.

Je peux retirer mon enfant de la crèche, cela fera une dépense en moins.

Mais je le mettrai où, mon fils, lorsque je retrouverai un emploi? A la cave? Vous avez aussi oublié cet aspect-là, en votant votre réforme? Les listes d’attente pour les places en crèche?

Je dois revendre notre maison? Achetée avec nos économies? Parce que je vis un coup dur à 33 ANS???

Je ne trouve pas d’emploi ; je passe quelques entretiens mais on ne m’engage pas.

Je veux suivre une formation mais je ne peux pas, je ne rentre pas dans les conditions et je ne peux pas non plus acheter une voiture, on ne prête pas d’argent à une chômeuse.

Et je ne peux pas rester à ne rien faire et voir mes allocations diminuer de moitié puisque j’ai une famille, des factures, un prêt à rembourser.

Alors je fais quoi? Je vais travailler à la grande surface du coin? Si tant est qu’ils m’engagent puisque comme je suis diplômée, ils préféreront engager des personnes sans diplôme mais qui bénéficient d’aides à l’emploi.

C’est ça la solution que vous proposez? Je fais n’importe quoi du moment que je ne suis plus inscrite à la CAPAC, c’est bon pour vous?

Qu’est-ce que je fais, maintenant? Qu’est-ce que je suis supposée faire?

Avez-vous un seul instant pensé à l’épanouissement au travail? À la possibilité de conjuguer vie de famille et vie professionnelle? A la possibilité d’être maman et travailleuse?

A quoi avez-vous pensé avec votre réforme du système?

Vous avez modifié le seul système qui permettait aux gens de garder la tête hors de l’eau en cas de coup dur. Vous n’avez pas adouci la crise, vous n’avez pas relancé le marché du travail, vous n’avez pas modifié les accès aux formations. Non, vous avez modifié la base du système sans arranger aucun des problèmes qui font que les gens ont besoin de ce système.

Alors, dites-le moi, sincèrement, qu’est-ce que je suis supposée faire maintenant?



 

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