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Loïc, un jeune Bruxellois, raconte sa visite dans les camps de réfugiés syriens et palestiniens au Liban

Loïc, un jeune Bruxellois, raconte sa visite dans les camps de réfugiés syriens et palestiniens au Liban
 
 

Un groupe de bénévoles belges s’est envolé cet été pour le Liban. Le but de ce voyage était de rencontrer sur place les nombreux réfugiés et de revenir pour témoigner de leurs conditions de vie très difficiles. L’occasion de casser certains préjugés à propos de ces exilés.

Septembre 2015. La photo glaçante du petit Aylan bouleverse le monde entier. Le cliché du corps sans vie de ce Syrien de trois ans, retrouvé sur une plage turque, est publié partout. Ce petit garçon est mort noyé alors qu’il fuyait la guerre avec sa famille. ll devient alors le symbole de la crise migratoire que traverse l’Europe.

A ce moment-là, en Belgique, le sujet de l’accueil des migrants est omniprésent. Des citoyens tentent de leur apporter leur aide. C’est le cas d’ "Amitiés sans frontières", un réseau national de soutien aux réfugiés.

"Cela fait deux ans que l’on s’organise notamment pour offrir des petits déjeuners devant l’Office des étrangers à Bruxelles, tous les vendredis. On fait aussi de la sensibilisation dans les écoles et on aide les mouvements de revendication des réfugiés", explique le responsable Loïc Fraiture, qui nous a contactés via notre bouton orange Alertez-nous. Ce Bruxellois de 30 ans est le responsable de ce réseau composé de Belges aux profils variés.


"C’est le pays des réfugiés par excellence"

Cet été, seize de ces bénévoles sont partis au Liban pour se rendre compte du quotidien de ces exilés. Un voyage enrichissant que Loïc a tenu à nous raconter. "C’est le pays des réfugiés par excellence. Nous voulions constater sur place la situation et revenir ici avec des témoignages. Une façon aussi de répondre à certains arguments du type: "On n’a qu’à les laisser dans la région, ils sont mieux là-bas". Le Liban, c’est aussi un pays qui est "au cœur des enjeux mondiaux", explique ce professeur de mathématiques dans le secondaire.

La guerre civile en Syrie a fait plus de 330.000 morts depuis 2011. Le conflit qui déchire ce pays du Proche-Orient a poussé plus de la moitié des Syriens à fuir les combats. Plus d’un million de personnes ont traversé la frontière pour trouver refuge au Liban, où vivent environ quatre millions d’habitants.

En termes de population, le pays du cèdre accueille le plus de réfugiés au monde. D’après le Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés, il y a actuellement 1,011 millions de Syriens et 277.985 Palestiniens enregistrés au Liban. Une présence massive très difficile à gérer pour un pays fragilisé lui-même par des conflits internes et qui tente de se reconstruire. En réaction, le Liban a verrouillé sa frontière avec la Syrie fin 2014. Aujourd’hui, un seul point d’entrée officiel est ouvert. "Les personnes venant de Syrie ne peuvent entrer que si elles respectent certains critères", précise Camille Bottin, attachée de presse chez Médecins Sans Frontières (MSF).

"Une maison sur deux est encore criblée de balles"

Avant de s’envoler pour Beyrouth, la capitale libanaise, Loïc et ses compagnons ont bien préparé leurs 15 jours de voyage. Ils ont pris des informations en Belgique, notamment auprès de réfugiés, et ils ont convenu de rencontres sur place avec des acteurs de terrain.

Leurs premières impressions se sont forgées à Beyrouth, la capitale libanaise. Tout d’abord au niveau du paysage urbain. "C’est un pays qui sort d’années de guerre. Une maison sur deux est encore criblée de balles. Ce sont des choses un peu sombres que l’on n’a jamais vues, ce sont les stigmates de la guerre. En même temps, il y a une reconstruction qui fleurit mais pas de manière très égalitaire. Il y a une très forte division par quartier", indique Loïc. Ensuite, il évoque le contraste entre cette réalité difficile et l’attitude positive de la population. "Les gens sont très généreux, très accueillants, ça c’est le côté positif."

Lors de leur première journée, le groupe a rencontré Robert Fisk, un journaliste de terrain spécialisé sur le Moyen-Orient. "C’était une rencontre incroyable. C’est vraiment une pointure. Cela nous a permis d’avoir des éléments de compréhension importants", indique le Bruxellois.

"Dans les camps syriens, au niveau sanitaire, c’est l’horreur"

Doté de ce bagage intellectuel primordial, les bénévoles se sont rendus dans des camps de réfugiés syriens à la frontière avec la Syrie, dans la plaine de Bekaa. Ils y ont été accueillis par des petites associations locales. Dans cette région rurale, un grand nombre de réfugiés vit dans des habitations informelles, dont des tentes. "Cela fait 5-6 ans qu’ils sont là. C’est vraiment la débrouille, ce sont des tentes en plastique, des bâches. Il faut tout le temps les reconstruire, c’est très insalubre. En général, les populations locales sont accueillantes mais c’est une situation vraiment misérable", confie le professeur de mathématiques."Au niveau sanitaire, c’est l’horreur", ajoute-t-il.

D’après Camille Bottin, attachée de presse chez MSF, les conditions de vie y sont en effet très mauvaises. "Pauvre approvisionnement en eau, des ressources financières très limitées, un faible pourcentage d’enfants ont accès aux écoles, … ", énumère-t-elle.


Ce qui a le plus choqué Loïc

Cette scolarisation quasi inexistante a particulièrement marqué Loïc. "Ce qui nous a vraiment choqués, c’est toute une génération d’enfants, et ils sont très nombreux, qui n’est pas allée à l’école depuis plusieurs années. Cela fait vraiment froid dans le dos, dans le sens où on a vu une génération perdue. Cette absence de scolarité va laisser des traces. Et ils ne sont pas prêts à repartir en Syrie", déplore le jeune homme.

Comme ils installent leur maison de fortune sur des terres privées, les exilés syriens doivent payer un loyer. "Au début de la crise, le HCR facilitait l’installation des réfugiés et les aidait à négocier le prix du terrain où ils installaient leurs tentes, mais depuis quelques années, ils payent des loyers aux propriétaires", explique Camille Bottin.

Pour pouvoir se loger et se nourrir, ces migrants essayent de trouver des petits boulots. "Ils tentent de trouver du travail dans les champs ou les villages aux alentours. Mais comme ils n’ont pas le droit de travailler, c’est compliqué. Ils subissent même une répression policière", révèle Loïc.


Victimes d’exploitation

Le Liban n’a jamais signé la convention de Genève et ne reconnaît donc pas le statut de réfugié. C’est la raison pour laquelle, tant les réfugiés syriens que palestiniens, ne possèdent pas de droits civils. Par ailleurs, pour stopper le flux, le gouvernement libanais a introduit en 2015 des mesures très restrictives pour la délivrance du permis de séjour et un coût exorbitant pour l’obtenir. Le nombre de réfugiés clandestins a donc explosé. 

"La grande majorité des réfugiés ne peut pas travailler légalement dans le pays et s'ils réussissent à trouver un travail (agriculture, construction…), ils ne sont pas très bien payés et victimes d'exploitation", confirme l’attachée de presse de MSF. En conséquence, 70% des réfugiés syriens au Liban vivent sous le seuil de pauvreté et plus de 90% d’entre eux sont lourdement endettés.

Et les conséquences dramatiques de la guerre, ils les vivent encore de plein fouet. "Une dame a eu un coup de téléphone et elle a appris que son beau-frère avait été retrouvé mort", se souvient le trentenaire.


Les grandes ONG pas présentes dans les camps ?

D’après Loïc, aucune grand ONG n’est présente dans les camps pour leur venir en aide. Les principales organisations humanitaires ne travaillent en fait pas à l’intérieur des camps car ce ne sont pas des camps officiels, mais plutôt un groupement de tentes. "Cependant les ONG sont actives dans les régions où les réfugiés sont très nombreux, pour ainsi fournir un accès à leurs services. Les ONG, en fonction de leur domaine d'intervention, ont accès aux camps et offrent de l'aide", indique Camille Bottin. "Mais le principal responsable/fournisseur de services pour les réfugiés syriens est le HCR. Les réfugiés comptent sur l'aide humanitaire mais au cours de cette année, les fonds ont été considérablement réduits", ajoute-t-elle.

Depuis 2013, MSF a ainsi ouvert plusieurs centres de santé primaire gratuits et de qualité dans le pays. L’objectif est de pouvoir aider les populations les plus vulnérables, dont les migrants. Ceux-ci peuvent avoir accès au système de soins de santé libanais mais il est payant et saturé. 

Face à cette situation dramatique qui perdure, les exilés syriens se sentent délaissés. "Ils sont complètement abandonnés par le monde. D’ailleurs, c’est ce qu’ils nous disaient à notre arrivée, ils étaient hyper accueillants et nous demandaient vraiment de revenir et de témoigner et de faire jouer un maximum la solidarité internationale", confie le Bruxellois. Selon lui, les jeunes ne voient pas d’avenir et rêvent de quitter le Liban pour pouvoir étudier dans un autre pays. Les plus âgés espèrent toujours rentrer en Syrie, une fois la guerre terminée.


Même sentiment de désespoir chez les réfugiés palestiniens

Le groupe de bénévoles belges a également visité le camp de réfugiés palestiniens de Chatila."Cela fait 70 ans qu’ils se trouvent là-bas, après la création de l’Etat d’Israël en 1948 et l’occupation qui a suivi. Ce sont des camps plus construits, notamment à l’intérieur des villes libanaises. Il y a beaucoup d’activités et d’associations, mais ils n’ont toujours pas de droits. Ce sont des camps très fermés. Ils s’organisent entre eux", assure Loïc.

Ces Palestiniens partagent le sentiment de désespoir des Syriens, mais leurs revendications sont différentes. "Ils veulent avoir le droit de rentrer en Palestine. Ils ont une identité très forte et qui s’est développée suite à leur exil. Symboliquement, ils gardent la clé de leur maison autour de leur cou. La clé de leur village en Palestine. Malgré cela, ils tentent de garder le sourire et sont très généreux."

Enfin, Loïc et ses compagnons ont rencontré des réfugiés qui tentent de s’installer dans les villes. "Nous avons parlé avec des enfants qui travaillent dans la rue plus de 12h par jour pour quelques dollars. Ces familles subissent une exploitation brutale."


"Ces exilés n’ont pas envie de venir chez nous pour le plaisir"

Ce voyage a permis à ces Belges de se rendre compte de cette réalité. Ils veulent du coup casser certains préjugés véhiculés chez nous. "Quand on dit que les réfugiés fuient pour des raisons économiques, pour certains avantages que l’on pourrait avoir en Europe, clairement on a bien vu ici que la grande majorité des réfugiés avaient fui une situation de guerre qui pour nous est très légitime", souligne le professeur de math. "D’autre part, la plupart des réfugiés qui ont dû se déplacer l’ont fait à l’intérieur même du pays ou alors juste aux frontières extérieures. A partir du moment où les pays environnants sont saturés, ils ont besoin d‘aller encore plus loin. Ces exilés n’ont pas envie de venir chez nous pour le plaisir", ajoute-t-il.

Le Bruxellois plaide pour une répartition plus équilibrée de ces réfugiés de guerre. Il demande aussi que la communauté internationale investisse dans une "diplomatie active de paix" pour enrayer la cause de ce genre de migration de masse: les conflits. "La grande majorité des Syriens aspirent à une paix générale avec un nouveau gouvernement d’union nationale avec tous les partis. Mais ils savent qu’un retour au pays après la fin des combats ne sera pas facile. Il y a les craintes de représailles. Et la plupart de leurs maisons ont été rasées. On a eu des témoignages, on a vu des photos. C’est hallucinant", assure Loïc.


1.500 récolés pour des associations locales

Afin de pouvoir leur apporter une aide concrète, le groupe de bénévoles a récolté 1.500 euros. Une somme d’argent répartie sur place entre plusieurs associations locales. "Ce sont des gens courageux avec de beaux projets dans les camps."

Comme les années précédentes, "Amitiés sans frontières" va également organiser un brunch de solidarité avec les réfugiés au mois de décembre, à Bruxelles. "On va reverser les bénéfices à l’une de ces associations", indique le trentenaire, encore plus animé qua jamais par l’envie d’apporter un soutien à ces exilés de guerre.


 


 

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