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Jeune femme atteinte du syndrome d'Ehlers-Danlos: "J’ai 23 ans et il y a des jours où on dirait que j’en ai 80"

 
 

Le syndrome d'Ehlers-Danlos affecte le collagène. Une maladie incurable qui transforme le quotidien d'une jeune femme que nous avons rencontrée en parcours du combattant. Sa soeur veut lui donner un petit coup de pouce.

Une femme a décidé de lancer un appel à l’aide pour une personne qui compte énormément à ses yeux. "Ma sœur est atteinte du syndrome d'Ehlers-Danlos (SED), une maladie génétique rare et handicapante", nous a écrit cette habitante de Jemeppe-sur-Meuse via le bouton orange Alertez-nous. Cette affection est liée à des anomalies du collagène (protéine présente dans tous les tissus du corps) et dans ses formes sévères, elle complique fortement les déplacements.

La jeune femme de 26 ans souhaite améliorer le quotidien de sa sœur en l’aidant à aménager sa maison. Elle organise un appel aux dons en ligne sur un site internet de donations. "Malheureusement aucun don n'a été versé jusqu’ici sur la page que j'ai créée et moi, financièrement, je ne sais pas faire de miracle", déplore-t-elle. Mais, au-delà de cette initiative qui n'a pour le moment pas apporté les résultats escomptés, notre interlocutrice dit vouloir qu'on parle de la maladie "car beaucoup de personnes sont malades et ne savent pas ce qu’elles ont". C'est ce que nous allons faire.


En quoi consiste exactement cette maladie?

La jeune femme atteindre du syndrome a toujours été malade: elle souffre de fatigue chronique et elle a surtout beaucoup de petits accidents: "Elle se déboîtait souvent les épaules, les genoux et les généralistes ne savaient pas ce qu’elle avait. Ils pensaient que c’était psychologique", se souvient-elle.

Mais il y a deux ans, le diagnostic officiel est tombé: la jeune femme de 23 ans est atteinte du syndrome d'Ehlers-Danlos (SED), une affection génétique rare et héréditaire qui atteint le collagène: "Quand on vous l’annonce et que c’est écrit, c’est quand même un coup au moral. Et on nous dit qu’il n’y a pas de traitement et que ça va empirer sur une semaine, un mois, un an. Si ça se trouve dans un an ou deux, ce sera la chaise roulante, on ne sait pas comment ça évolue", explique-t-elle.

Le collagène est une protéine présente dans tous les tissus du corps humain et qui lui fournit en quelque sorte une armature. "C’est ce qui donne plus de souplesse ou de rigidité à un tissu", résume le docteur Valérie Gangji, rhumatologue (Qu'est-ce qu'un rhumatologue?) à l’hôpital Erasme et personne de référence en Belgique francophone pour les SED. Les mutations au niveau du collagène rendent les tissus beaucoup trop élastiques, avec des conséquences parfois spectaculaires chez les patients. La jeune femme est atteinte du type 3 de la maladie, le type hypermobile, qui est aussi le plus répandu. 

Sa soeur raconte plusieurs épisodes survenus ces derniers mois: "Un jour, elle a pris un verre vide et elle s’est déboîtée le poignet. Un autre, elle a pris un sandwich et elle s’est déboîtée le pouce. C’est impressionnant à voir". Des symptômes que le docteur Valérie Gangji connaît bien: "Ces patients vont luxer leurs articulations spontanément, ça veut dire que les os vont sortir de l’articulation, sans qu’il y ait de choc ou de traumatisme et certains peuvent faire plusieurs cas de luxations par jour dans des formes sévères ou avoir plutôt des douleurs articulaires diffuses dans des formes moins sévères".


"J’ai 23 ans et il y a des jours où on dirait que j’en ai 80"

Dans la vie, la soeur de la jeune femme qui souffre du syndrome est aide-soignante, mais elle se sent impuissante pour l'aider. Très proche de sa sœur, elle va la voir le plus souvent possible: "Même monter les escaliers, c’est dur pour elle. Et elle habite une maison". Elle loue le courage de sa sœur cadette: "C’est une fille qui ne se plaint jamais, la douleur elle ne la montre pas. Et quand elle se déboîte le genou, elle le remet en place toute seule. Elle essaye de cacher ce qui lui arrive même si on le voit parce qu’elle devient toute blanche". Un courage qui se heurte parfois à l’incompréhension de la société. "Quand physiquement on n’a pas l’air malade, c’est très compliqué même si je ne sais pas de quoi doit avoir l’air un malade. Donc si maintenant, je demande de m’asseoir dans le bus on me dit: ‘c’est bon t’es jeune, tu peux rester debout’, alors que je ne peux pas du tout", avoue la jeune femme.

En Belgique, difficile d’avoir des chiffres précis sur le nombre de malades, car le diagnostic clinique n’est pas facile à poser. Plusieurs symptômes, comme la fatigue chronique ou les douleurs articulaires se retrouvent également dans d’autres affections, comme la fibromyalgie ou la sclérose en plaques, affirme Maryse Callens, membre de l’asbl GESED, le groupe d’entraide des Syndromes d’Ehlers-Danlos. Mais il s’agit d’une maladie dite orpheline. Ces maladies touchent un nombre très restreint de patients (1 cas sur 5.000, voire 1 cas sur 10.000 naissances), elles sont donc souvent délaissées par la recherche médicale. 

Les SED sont des affections génétiques à transmission dominante, cela veut dire que si quelqu’un dans la famille est porteur de ces mutations génétiques, il y a beaucoup de risques que les autres membres les aient aussi, même s’ils ne développent pas forcément la maladie. 

Il n’existe pas de traitement curatif pour venir à bout de ces syndromes, alors les médecins s’emploient à soigner les nombreux symptômes. Le quotidien de la jeune femme est rythmé par la prise d’antidouleurs et les séances de kinésithérapie. "J’ai 23 ans, bientôt 24, et il y a des jours où je me lève et on dirait que j’en ai 80. Parfois, c’est impossible de regarder la lumière parce que j’ai une grosse migraine. C’est pas facile, parce que les jeunes font des sorties, mais moi je ne peux pas marcher longtemps, je suis très limitée", confie-t-elle.


«Beaucoup de malades sont dans la précarité»

La jeune femme, ancienne coiffeuse, a fait une demande d’allocation de remplacement de revenu. En attendant, elle vit avec le CPAS car elle a dû arrêter de travailler il y a deux ans: "J’avais trop de séquelles au niveau des mains et plus autant de dextérité. Je ne sais plus écrire parce que je me luxe les doigts. Je ne peux pas rester assise ni debout trop longtemps donc c’est très très difficile de trouver un travail qui pourrait être adapté".

"Beaucoup de gens sont dans la précarité car ça coûte cher et il y a peu de choses prises en charge, même si c’est reconnu comme un handicap", abonde Maryse Callens du GESED. Le groupe d’entraide plaide pour un meilleur accès aux soins. Les malades ont droit au remboursement des séances de kinésithérapie et au remplacement des genouillères tous les trois ans, mais c’est à peu près tout. D’autres traitements qui permettent de soulager les maux des patients ne sont pas remboursés, comme les vêtements de contention (pour soutenir les articulations), les matelas spéciaux à mémoire de forme ou encore l’oxygénothérapie (pour avoir de l’oxygène supplémentaire).

Des traitements coûteux mais qui ne font que soulager: "On ne sait jamais si ça va empirer. On vit au jour le jour. Si on va mieux on est content. Le lendemain, ça n’ira peut-être pas, le mois prochain non plus, mais dès que ça va mieux, on est content", résume la jeune femme.

Malgré une vie plus compliquée que les autres jeunes de son âge, la jeune femme ne veut pas se laisser aller. Elle alimente son compte Instagram de conseils pour montrer qu’il est possible de continuer à bouger, malgré les blessures.

"J’aimerais bien que les personnes qui sont malades, peu importe leur maladie, se disent que c’est quand même possible de bouger, de faire du sport. Même s'il faut adapter les exercices, même si c’est réduit, ils peuvent faire les choses que les autres font", conclut-elle.


 

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