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Des témoins dénoncent des prédicateurs au cœur de Bruxelles: "Ils prêchent l'homophobie et la haine!"

Des témoins dénoncent des prédicateurs au cœur de Bruxelles: "Ils prêchent l'homophobie et la haine!"
 
 

Plusieurs personnes choquées par les propos d'un prédicateur brandissant les textes de la Bible nous ont contacté via le bouton orange Alertez-nous. "Un mouvement de type évangéliste s'est approprié le centre de Bruxelles. Ils pratiquent un prosélytisme sauvage prônant l'homophobie, le sexisme et la haine!", nous écrit Sebastian. "Des vidéos circulent sur internet et de nombreuses personnes se sentent offensées par ces propos tenus publiquement. Une connaissance vient de porter plainte", explique Jérémie.

L'homosexualité est une abomination

Avant de contacter la police, nous avons regardé les vidéos publiées sur la page Facebook de "Mindescri", le groupe incriminé. Plusieurs visent à diffuser les préceptes de la Bible et évoquent des scènes bibliques. Elles prônent l'amour de Dieu, la miséricorde, le pardon. D'autres remettent en question la théorie de l'évolution. "Laisse-moi te dire que l'homme ne vient pas du singe, que la Terre n'a pas été créée par un big-bang. Dieu a créé les cieux et la Terre", peut-on notamment entendre.

Si ces prêches semblent plutôt innocents, d'autres prennent une connotation bien moins inoffensive. Un prêche en particulier cible les personnes homosexuelles. Voici des extraits:

"Dieu vous aime. Mais il ne vous aime pas dans votre mauvaise manière de vivre. On vit dans une société pervertie où il n'y a plus de moralité parce qu'on a rejeté la parole de Dieu. Aujourd'hui, on ne sait même plus distinguer un homme d'une femme. On ne sait plus dire si un homme est un homme ou une femme est une femme. On voit marcher les hommes comme des femmes".

"Même si la société te dit que l'homosexualité, ce n'est pas grave, la Bible me dit que c'est un péché. La Bible me dit que ce n'est pas normal. C'est une abomination".

"Un homme et un homme, lorsqu'ils couchent ensemble, l'homme introduit son pénis dans l'anus d'un autre homme. Est-ce que vous trouvez ça normal? Non! Introduire son pénis dans de l'excrément, ce n'est pas normal. Introduire son pénis dans de la merde, ce n'est pas normal. C'est de l'impudicité".

"La Constitution belge dit que l'homosexualité ce n'est pas grave, mais la Bible dit que c'est grave! Les lois peuvent changer, mais la Bible ne changera jamais".

"Aujourd'hui, une femme fait appel à un robot pour se masturber. Est-ce que c'est normal? Non! Un homme a un pénis. Marie toi et fais des enfants!".

"On voit des hommes avec des cheveux longs, comme des femmes! Un homme qui a les cheveux longs comme une femme est une abomination" (rappelons que Jésus-Christ, auquel le prédicateur fait souvent référence, est communément représenté comme un homme aux cheveux longs et portant une barbe).

"Mon frère, ma sœur, tu n'as plus besoin d'aller à la gare du Nord pour trouver des femmes nues. Elles se promènent ici. Tu peux mater leurs fesses, leur vagin, leurs seins, c'est gratuit. Tu n'as plus besoin de payer. Est-ce que c'est normal? Non!".

À un moment, le prêcheur affirme que le Danemark a légalisé les relations sexuelles entre humains et animaux. Ce qui est complètement faux: le pays a justement fait l'inverse et a récemment interdit la zoophilie.

Le tout est arrosé de nombreux "amen". Pour ceux qui l'ignorent, "amen" est un signe d'accord et d'assentiment à ce qui a été dit, qui signifie plus précisément "Ainsi soit-il".


La police informée: une enquête est en cours

Face à ces propos, l'un de nos témoins affirme qu'un proche a porté plainte auprès de la police bruxelloise. "Je peux vous confirmer que les faits ont bien été signalés à nos services", confirme Olivier Slosse, commissaire de la zone de police Bruxelles-Ixelles.

En réalité, le commissaire nous explique que la police bruxelloise a été informée de faits similaires dans la rue Neuve en 2016. "Suite à ce constat, des instructions avaient été données au personnel sur le terrain d’être attentif à ce phénomène, de récolter un nombre d’informations et d’agir en fonction des infractions constatées", précise Olivier Slosse.

Les infractions analysées par les policiers peuvent être de deux types: administratives ou judiciaires.

- Administratives: nécessité de disposer d’une autorisation sur base du règlement général de police pour des activités sur la voie publique, le fait d’accoster les passants, utilisation d’amplification sonore, distribution de tractes…

- Judiciaires: en fonction de message tels que des appels à la discrimination ou la violence (cette évaluation doit être faite soigneusement : des propos perturbants qui ne constituent pas une infraction pénale sont couverts par le principe de la liberté d’expression).

"Pour l’instant, ces activités n’ont pas encore fait l’objet de procédures judiciaires. Mais après les événements constatés en 2016, nous avons acté les faits et transmis cela au fonctionnaire sanctionnateur de la ville de Bruxelles", explique Olivier Slosse. Celui-ci n'était cependant pas en mesure de nous dire si une sanction administrative avait ensuite été donnée.

En ce moment, les policiers sont en train d'analyser les vidéos publiées sur internet pour déterminer si le contenu des prêches est répréhensible. Car il est question d'un équilibre délicat entre liberté d'expression et appel à la haine ou la violence.


Liberté d'expression ou appel à la haine?

D'après le commissaire Slosse, l'enquête menée en ce moment vise surtout à déterminer si "les personnes identifiées peuvent être considérées comme 'prédicateurs de haine' comme défini dans la circulaire commune du 16 juillet 2016". "Si c’est le cas, nous procédons à l’échange d’information avec les autres acteurs afin de permettre à l’OCAM d’évaluer la situation, et de prendre ensuite les dispositions appropriées", explique le commissaire Slosse.

Dans le cadre de cette circulaire, le prédicateur de haine est défini comme une personne qui séjourne en Belgique ou a l'intention de faire valoir en Belgique son influence et qui, sur base de ses convictions, religieuses ou pas, justifie le recours à la force et/ou la violence pour arriver à ses propres objectifs. "Et s'il a pour objectif, en théorie ou en pratique, de causer des dommages aux principes de la démocratie ou des droits de l'homme, au bon fonctionnement des institutions démocratiques ou aux principes de l'état de droit", ajoute Olivier Slosse.

Si la liberté d'expression est garantie en Belgique, elle ne peut pas être utilisée pour appeler à la violence, à la haine, ou pour troubler l'ordre public. C'est tout ce que devra déterminer les agents de la police bruxelloise dans les heures qui viennent. S'ils estiment qu'une procédure judiciaire doit être lancée, ils contacteront les responsables des prêches et du groupe évangéliste pour les auditionner, et peut-être aller plus loin.


 

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