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Née sans utérus, Lila, une Bruxelloise, ne peut pas porter son enfant : elle lance un appel pour trouver une mère porteuse

Née sans utérus, Lila, une Bruxelloise, ne peut pas porter son enfant : elle lance un appel pour trouver une mère porteuse
 
 

A 16 ans, Lila a découvert qu’elle ne pourra jamais porter un enfant. Un choc pour l’adolescente. Après avoir rencontré l’homme de sa vie, cette Bruxelloise se démène aujourd’hui pour trouver une mère porteuse. Et enfin réaliser leur rêve: devenir parents.

"Depuis toute petite, j’ai toujours voulu être maman. Cela a toujours été un rêve. Mais c’est un espoir interdit pour moi", confie Lila, qui nous a contactés via notre bouton orange Alertez-nous.

Cette Bruxelloise est atteinte d’une maladie rare appelée le syndrome de Rokitansky ou syndrome MRKH. Cette pathologie se caractérise par une absence congénitale partielle ou totale de l’utérus et du vagin. La femme possède par contre des ovaires et des trompes. "Je suis née sans utérus, je ne peux donc pas porter mon enfant", explique Lila avec émotion.

En général, ce syndrome est diagnostiqué à l’adolescence. "Je l’ai su à 16 ans suite à une absence de règles. J’ai consulté un gynécologue qui a réalisé des examens et qui a constaté que je n’avais pas d’utérus. Je l’ai appris par courrier en fait", raconte la jeune femme qui va bientôt fêter ses 30 ans.


"Cela a bouleversé ma vie en fait"

Même si elle assure avoir pensé à cette possibilité, cette annonce brutale provoque un choc émotionnel mêlant inquiétude, désillusion et questionnement. "Cela a vraiment été horrible. On vous coupe les ailes à 16 ans. Je me suis demandée pourquoi moi ? Pourquoi m’empêcher de donner la vie ? C’est un miracle de la vie et j’en suis privée", se souvient Lila. "Encore maintenant c’est difficile pour moi d’en parler. Cela me stresse toujours, même plus de 10 ans après. C’est très dur psychologiquement, ça tue, ça détruit. Cela a bouleversé ma vie en fait", ajoute-t-elle, avec des trémolos dans la voix.

A l’époque, il est difficile d’évoquer ce problème avec son entourage. "J’en ai très peu parlé avec mes parents parce qu’ils ont tellement été blessés par ça que c’était très pénible d’en discuter ensemble." Pour se protéger, Lila se crée une carapace et préfère éviter le sujet. "J’ai fait un déni. Je voulais que l’on me laisse tranquille. Comme je n’avais que 16 ans, j’ai tout mis de côté. J’étais encore aux études et je ne pensais pas à me mettre en couple à ce moment-là", raconte la jeune femme. Elle refuse aussi d’être suivie psychologiquement. Une décision qu’elle regrette aujourd’hui. "Je pense que cela m’aurait beaucoup aidé d’en parler parce que j’étais en pleine adolescence."


"Il m’a accepté comme je suis"

A 22 ans, Lila rencontre un jeune homme de 26 ans. Une histoire d’amour commence. Au fil du temps, une confiance mutuelle s’installe. "Je ne lui ai pas tout suite parlé de ma maladie. Je l’ai fait 8-9 mois après notre rencontre. Il a très bien accepté le problème. Il m’a dit que dans la vie il y a une solution à tout et il m’a accepté comme je suis."

Quatre ans plus tard, le couple décide de se marier. Et l’envie de devenir parents s’affirme. "Le désir d’être maman est encore plus profond parce que je suis mariée et je suis bien avec mon mari. Nous sommes un couple très solide, très soudé et nous avons beaucoup d’amour à donner", assure la Bruxelloise. "On demande ce cadeau du ciel tout simplement", ajoute-t-elle.


"Notre seul espoir est la gestation pour autrui"

Pour réaliser ce rêve, il n’y a malheureusement pas beaucoup d’alternatives. La gestation pour autrui (GPA) se révèle rapidement être la meilleure option. "Avec mes ovules et le sperme de mon mari on peut faire un bébé génétiquement à nous, mais uniquement via une mère porteuse. Notre seul espoir est la gestation pour autrui", souligne Lila.

Depuis la fin des années 90, la GPA altruiste est pratiquée en Belgique. Aucune loi ne l’autorise mais aucun texte ne l’interdit. Il s’agit donc d’une pratique tolérée qui ne bénéficie d’aucun cadre légal.

Cette situation fait peser le poids des responsabilités sur les hôpitaux qui fixent des règles strictes. Chez nous, quatre centres ont développé une expertise en la matière: la Citadelle de Liège, le CHU Saint-Pierre à Bruxelles et les hôpitaux universitaires de Gand et d’Anvers.


Pas de loi en Belgique, mais des règles strictes

"Il n’y a toujours pas de réglementation en Belgique concernant la gestation pour autrui. C’est un peu le flou juridique. Chaque centre détermine donc ses propres lignes de conduite éthiques. Dans nos clauses, on demande que la mère porteuse ait au moins déjà eu un enfant. Elle doit également avoir moins de 40 ans et être en bonne santé. L’idée est de prendre le moins de risques possibles", confirme le docteur Laurie Henry, responsable du centre de procréation médicalement assistée de la Citadelle de Liège. Ces différentes conditions sont similaires d’un centre à l’autre.

Par ailleurs, la demande d’un couple d’intention, à savoir celui qui désire faire appel à une mère porteuse, n’est acceptée que pour raisons médicales. La mère intentionnelle doit être dans l’incapacité de porter son enfant, comme c’est le cas pour Lila.

Autre règle incontournable: la mère porteuse ne peut pas être rémunérée. "On ne peut pas payer une dame pour qu’elle prête son utérus. Il faut vraiment que ce soit quelqu’un qui fasse ça par altruisme, sans aucun revenu. Cela est très clair. En Belgique, on ne peut pas vendre son corps, c’est interdit", souligne le docteur Laurie Henry. Seuls les frais médicaux sont pris en charge par le couple commanditaire.

Peu de temps après son mariage, la Bruxelloise s’est rendue au service spécialisé du CHU Saint-Pierre à Bruxelles pour obtenir ces informations. "Cela fait quelques années seulement que j’en parle. C’est vraiment un sujet tabou. J’ai pris mon courage à deux mains et je me suis dit de toute façon le problème est là et j’en ai pas honte. Je ne suis pas la seule dans le cas", confie-t-elle.


Aucune femme de son entourage ne peut l’aider

La première étape est évidemment de trouver une mère porteuse. Une démarche qui s’avère difficile. "En général, c’est une amie, une sœur ou une cousine qui se propose puisqu’il s’agit d’un don. Nous conseillons d’ailleurs que cela soit une proche du couple", indique la responsable du centre de la Citadelle.

Lila en a parlé avec les femmes de son entourage. Aucune d’entre elles ne peut malheureusement endosser ce rôle. "Cela aurait été plus facile. Mais il n’y a personne de ma famille ou de mes amies qui pourrait m’aider. Mes amies ont été tristes quand je leur ai expliqué mon problème. Mais elles ne peuvent pas m’aider car elles n’ont pas encore eu d’enfant."


Une page Facebook pour trouver une mère porteuse inconnue

La Bruxelloise a alors eu l’idée de créer une page Facebook dans l’espoir de trouver une mère porteuse inconnue. "J’ai reçu pas mal de réponses, mais jusqu’à présent elles sont toutes négatives. Il y a des femmes qui ont voulu m’aider mais leurs conjoints ne sont pas d’accord. Je peux comprendre que cela soit difficile. Mais je n’ai pas d’autre solution", regrette-t-elle.

Au-delà du frein psychologique, une autre difficulté peut se présenter avec une personne qui ne fait partie de l’entourage. Comme il n’y a pas de loi encadrant la GPA en Belgique, c’est la femme qui accouche qui est juridiquement la mère du bébé. Et, si elle est mariée, son époux est le père. Concrètement, elle doit donc renoncer à sa maternité et le mari à sa paternité pour que l’enfant puisse ensuite être adopté par les parents demandeurs. "Il n’y a donc aucune garantie, aucune certitude juridique. Si la mère porteuse décide subitement qu’elle ne veut pas rendre l’enfant, ce sont des gros combats juridiques qui commencent. Quand c’est une personne proche, c’est bien discuté à l’avance", souligne le docteur Laurie Henry.


Seulement deux ou trois cas par an aboutissent

"De toute façon, c’est une décision qui ne se prend pas à la légère, le dossier doit être bétonné", ajoute la responsable du centre. Aussi bien la candidate mère porteuse que le couple d’intention doivent en effet passer une sorte de filtre médical et psychologique. Plusieurs rendez-vous sont fixés avec un psychologue et un gynécologue. Après concertation, le comité d’éthique du centre doit ensuite donner son feu vert.

"On les réfère aussi chez un juriste qui leur explique toute la complexité de la situation. L’incertitude sur le devenir de l’enfant. Il y a quand même pas mal de couples et de mères porteuses qui se rétractent après avoir compris les risques", témoigne la responsable du centre, qui précise que seulement deux ou trois cas par an aboutissent.

Si le dossier est accepté, l’hôpital encadre les futurs parents et la mère porteuse pour que tout se déroule dans les meilleures conditions possibles. Un suivi psychologique est assuré pendant toute la grossesse et juste après la naissance. "La psychologue suit également le conjoint et les enfants de la mère porteuse. Il faut leur expliquer que, même si leur maman est enceinte, finalement il n’y aura pas de bébé à la maison", indique le docteur Laurie Henry.


Pourquoi ne pas aller aux USA ? "Là-bas c’est purement du business"

Lila pourrait également décider de se rendre dans d’autres pays comme les Etats-Unis et l’Ukraine où la rémunération des mères porteuses est acceptée. "Là-bas, c’est très différent. C’est purement du business", souligne la responsable du centre.

"J’y ai déjà pensé à plusieurs reprises. J’ai contacté une clinique américaine par email et on nous a demandé 150.000 euros. Je trouve que c’est injuste de demander autant d’argent. Pour nous, c’est impossible. Et puis, au-delà du problème financier, ce ne serait pas logique de payer mon enfant alors que je n’ai rien demandé à la vie. Je ne peux pas le concevoir", déplore la jeune femme.

Les obstacles dont donc nombreux et la douleur intérieure toujours bien présente. "Depuis mes 16 ans, je porte un lourd sac de pierres comme je l’appelle. Et si notre projet n’aboutit pas, je le porterai jusqu’à la fin de ma vie. C’est une souffrance intérieure, c’est la révolte, l’angoisse tout le temps. A chaque fois que je vois un bébé dans la rue, c’est tout le temps un choc, je me dis que je n’aurai jamais ça dans ma vie", souffle Lila.


"On attend juste une fée"

Et les confrontations sont régulières. Comme seuls ses proches sont au courant, d’autres personnes posent des questions, à priori banales, sans se douter de la maladie de la jeune femme.

"Mes collègues de boulot me demandent: "Alors les enfants, c’est pour quand ?" Cela me rappelle à chaque fois mon syndrome. A chaque fois, je réponds qu’on n’en veut pas pour l’instant. C’est toujours mentir à soi-même, c’est dire le contraire de ce qu’on a envie d’avoir et de dire."

Malgré tout, Lila et son mari gardent espoir et veulent mener ce combat jusqu’au bout. "On attend juste une fée qui serait prête à nous aider avec son cœur, pour nous faire plaisir. On n’attend que ça pour enfin être heureux à 100%", espère la jeune femme, qui pour le moment ne préfère pas envisager l’adoption.

Julie Duynstee


 

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