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Après 3 ans de pension anticipée, Philippe apprend qu'il doit RETROUVER un travail: "C'est choquant qu'on change les règles!"

Après 3 ans de pension anticipée, Philippe apprend qu'il doit RETROUVER un travail: "C'est choquant qu'on change les règles!"
 
 

Un électricien à la retraite anticipée depuis 3 ans a eu la surprise de sa vie récemment. Contre toute attente, il a appris qu'il devait reprendre le travail et poursuivre sa carrière plus longtemps que prévu. En cause? Sa carrière mixte (secteur public et privé) et le changement de loi de 2011 concernant les régimes de pension. Explications.

Philippe a réalisé toute sa carrière au sein de la même entreprise: 39 ans au service d'une centrale électrique à Angleur. "J'étais au poste de conduite, explique-t-il après nous avoir joints via notre page Alertez-nous. Je pilotais les machines, je les faisais démarrer ou arrêter en fonction de la demande d'électricité". Cet employé a effectué ce qu'on appelle des travaux pénibles. "Je travaillais 21 jours sans arrêt, week-end compris, nous raconte-t-il. Une semaine le matin, une autre l'après-midi et une dernière la nuit. C'est très dur à supporter, passé un certain âge".

L'employeur en était bien conscient et proposait donc un départ anticipé vers la retraite: "On avait le droit de partir un mois plus tôt par année prestée. Dans mon cas, cela faisait trois ans", calcule-t-il. Selon le contrat de Philippe, son départ à la pension est prévu à 60 ans, après au moins 35 ans de carrière. "Je suis donc parti à 57 ans, explique-t-il. On me payait 75% de mon traitement pendant 3 ans, jusqu'à la pension".

Rebondissement: Philippe n'a plus travaillé suffisamment longtemps

Philippe passe donc trois années sans problème, loin de la centrale électrique. En septembre 2014, il fête ses 60 ans. En toute logique, fini la pension anticipée: Philippe est censé prendre sa pension tout court. "En octobre, mon employeur me dit "Vous prenez votre pension, car c'est prévu dans le contrat". L'ex-employé entame donc les démarches administratives, et là surprise: "Tecteo (rebaptisée désormais Publifin, ndlr), qui gère le fonds de pension, me dit qu'il y a un problème: j'ai 39 ans de carrière au lieu de 40". La raison de ce revirement de situation? La loi a changé entre-temps.


Après trois années en pension anticipée, il apprend qu'il doit rattraper une année de travail

Pas de chance pour Philippe: en 2011, une nouvelle loi a été votée. Désormais, dans son cas, l'employé doit avoir 40 ans de carrière pour pouvoir bénéficier de sa retraite. Comment fait-on lorsqu'on est en pension anticipée depuis 3 ans, pour rattraper une année supplémentaire de travail? En se remettant au boulot… "Ça ne me dérangeait pas, assure Philippe. J'étais prêt à reprendre le boulot si on me rendait mon travail".

Philippe demande donc à récupérer son poste, mais à Angleur, où il travaillait, "ils ont malheureusement supprimé le personnel", dit-il. Impossible pour l'ex-employé de retrouver son emploi. "C'est choquant qu'on change les règles, je trouve cela inadmissible, s'insurge-t-il. Trouver un nouvel emploi à 60 ans, c'est mission impossible". Philippe entre alors en négociation avec son ex-employeur. "Ils m'ont fait une proposition, mais selon mon avocat, cela ressemblait plutôt à du chantage, accuse-t-il. Ils ont proposé de me payer 40% de ma pension anticipée via un nouveau contrat, ce qui me plongeait dans une situation financière catastrophique : je n'avais plus assez d'argent pour payer mon prêt hypothécaire".

Dépité, Philippe accepte. Il doit donc se débrouiller avec 40% de sa pension anticipée jusqu'au 1er mai 2016.

Pour s'en sortir, Philippe fait alors une demande à la banque pour suspendre provisoirement le remboursement de son prêt de 1.200€ par mois. "Ils ont accepté pour 6 mois et je pourai prolonger de 6 mois. Après ces périodes, je ne sais pas comment je vais faire. Ce n'est que reculer pour mieux sauter. Mon prêt hypothécaire, je devrai le rembourser".

Philippe ne peut plus prendre sa pension à 60, mais bien à 61,5 ans s'il travaille ou à 65 ans s'il ne retrouve pas d'emploi

En réalité, un autre élément joue: Philippe a une carrière mixte, même s'il a travaillé toute sa vie au même endroit. La raison? Les changements internes à son entreprise. Au départ, la société qui l'employait était du service public (gérée par la Soccolie, la société coopérative liégeoise d'électricité, ndlr). Mais en 2000, elle devient une société anonyme et la centrale électrique est ensuite reprise par EDF Luminus. "Tout en ayant presté ma carrière au même endroit, je me retrouve avec une partie de ma carrière prestée dans le public et une autre, dans le privé", s'étonne-t-il.

Or, le public et le privé n'offrent pas les mêmes avantages ou inconvénients par rapport aux pensions. Et dans le cas de Philippe, le public est moins avantageux. "J'ai droit à ma pension à 60 ans en ce qui concerne la partie privée de ma carrière, indique-t-il. Mais elle est très faible par rapport au pourcentage de ma pension. En ce qui concerne la partie publique de ma carrière, je n'y ai plus droit à 60 ans".

"Cette personne bénéficie d'une mesure de fin de carrière du secteur privé, nuance Lucia Castagna, directrice du service de communication du service des pensions du secteur public. Par cet arrêté, il bénéficie de conditions préférentielles en matière de durée de carrière et de mise à la retraite, mais dans le secteur des travailleurs salariés: cette mesure n'est pas applicable dans le secteur public. Car chez nous, pour pouvoir partir plus tôt, il faut remplir les conditions d'âge et de carrière prévues par la loi. Dans le public, on n'a pas ces mesures favorables, qui existent dans le secteur privé".

En résumé, les pensions privée et publique de Philippe ne sont pas régies par la même législation: l'une lui offre une mesure de fin de carrière aux conditions préférentielles, l'autre pas.

Publifin (anciennement Tecto) dément: "Nous avons agi dans l'intérêt de l'employé"

Alors que faire? Philippe assure ne pas avoir été soutenu dans ses démarches. "Lorsque j'ai pris contact avec Tecteo, ils m'ont dit de tirer mon plan, se souvient-il. Ils m'ont renvoyé un document disant que si je continuais à travailler, je pourrai prendre ma pension à 61 ans et demi. Si pas, donc si je ne retrouvais pas d'emploi, je ne l'aurais pas avant 65 ans, point à la ligne".

Mais Philippe ne lâche pas le morceau. Il apprend qu'une possibilité de dérogation à la loi existe. Selon lui, Publifin avait l'opportunité de demander à l'Etat une telle dérogation, afin qu'il puisse être dispensé de cette année de travail supplémentaire et conserver l'ancien système. "Pour des raisons que j'ignore, cela n'a pas été fait par Tecteo", lance-t-il.

Contacté par notre rédaction, Publifin réfute ces accusations. "Contrairement à ce que monsieur prétend, Publifin n’était pas en mesure d’introduire une demande de dérogation à propos des pensions du secteur public, puisque la Socolie est devenue une société de droit privé", rétorque le directeur de la communication, Patrick Blocry, qui ne comprend pas l'attitude actuelle de l'ex-employé.

Philippe, lui, n'en démord pas. "Ils auraient dû faire cette dérogation", martèle-t-il.

Philippe ne sait toujours pas comment s'en sortir

Aujourd'hui, Philippe n'a pas avalé la pilule. Il reste scandalisé par le déroulement de son départ à la retraite. Le 1er mai 2016, il touchera sa pension complète. D'ici-là, il fait son possible pour "mettre de l'argent de côté" afin de pouvoir rembourser son prêt hypothécaire lorsque ses mensualités vont reprendre, à l'issue de l'arrangement pris avec sa banque.

Ce qui devait être un heureux envol vers la retraite s'est transformé en combat judiciaire pour Philippe. Loin, très loin, de l'insouciant drink de départ entre collègues célébrant un agenda désormais allégé, débarrassé des obligations professionnelles en tout genre.


 

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