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Comment Facebook traite-t-il les innombrables signalements qu'il reçoit?

Comment Facebook traite-t-il les innombrables signalements qu'il reçoit?
 
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Louise a contacté la rédaction de RTL info car elle a vu passer plusieurs photos de chasseurs posant fièrement à côté de leur trophée sur son fil d'actualité Facebook, et s'est demandé quelles suites étaient réellement données. RTL info a mené l'enquête pour comprendre les coulisses des "signalements" du plus réseau social du monde.

Qu'on aime ou qu'on déteste les réseaux sociaux, il est devenu pratiquement impossible de passer à côté de cette nouvelle forme de communication digitale au sens large. Facebook, le plus important d'entre eux (1,2 milliard d'utilisateurs s'y connectent tous les jours, 1,8 milliard y vont au moins une fois par mois), a dépassé depuis longtemps sa fonction première, à savoir de rester en contact avec "amis" et de "poster un statut".

Le réseau social fondé par Marck Zuckerberg, qui continue à tracer seul les grandes lignes directrices de son empire, s'est transformé ces dernières années en plateforme digital aux multiples fonctions, du simple partage d'information à la création d'évènement, de l'hébergement de contenus d'actualité aux groupes dédiés aux petites annonces, de pages réservées aux entreprises ou aux célébrités à la messagerie instantanée (Messenger) avec des robots à visée commerciale…

Comme pour le super-héros Spiderman, "de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités", et Facebook s'en rend bien compte. Le groupe ne prend pas à la légère les innombrables dérives dont il peut être le théâtre, surtout au niveau du harcèlement chez les plus jeunes. Il essaie de penser à tout, y compris à la manière dont gérer le compte des personnes décédées.

Mais quand on est présent sur tous les continents, on s'adresse à toutes les cultures, à toutes les religions et à toutes les sensibilités. Les 'standards de la communauté' rédigés par Facebook, qu'on peut apparenter aux règles du jeu, sont finalement les 'lois mondiales du comportement social digital' du 21e siècle… écrites par une entreprise privée américaine. Et ça ne convient pas à tout le monde, forcément.

"J'aimerais pousser un coup de gueule envers les chasseurs qui publient des photos de leurs prises mortes sur Facebook. Du sang partout, elles sont écrasées par leurs tueurs. Ça me répugne", nous a récemment expliqué Louise, après avoir contacté la rédaction de RTL info via notre bouton orange Alertez-nous.

"Deux à trois photos par semaine"

Bien au-delà de Facebook, la chasse est un sujet polémique au sein de la société occidentale. Passion, hobby, travail nécessaire ou cruauté inutile, chacun a son avis, et il est souvent bien tranché.

Il y a quelques semaines, "en pleine saison de chasse", Louise en a eu assez de voir sur son fil d'actualités Facebook des photos d'animaux qui venaient d'être tués, avec le chasseur posant fièrement à côté. "Ce sont des connaissances qui publient ces photos, pas vraiment des amis. Parfois, ils sont simplement identifiés, et les photos apparaissent. Et ce n'est pas du tout ce que j'aimerais voir dans mon fil d'actualité", a précisé cette jeune habitante de la région namuroise.

"J'ai vu des photos de personnes au-dessus de la bête morte, qui tenaient les bois du cerf à peine mort, c'est dégueu".

Les propos de Louise font écho à plusieurs photos qui ont fait la polémique, notamment ce dentiste américain qui avait tué un lion emblématique d'un parc du Zimbabwe, et posté la photo de son trophée sur Facebook. Ou encore cette pom-pom girl américaine qui publie sans cesse les photos des animaux sauvages qu'elle abat sur Facebook.

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Ce genre de photos n'est pas censurée par Facebook...

Comment avertir Facebook d'un contenu qui vous dérange ?

L'histoire de Louise est l'occasion de se pencher sur les outils mis en place par Facebook pour l'avertir du contenu jugé inapproprié par certains utilisateurs. A de nombreux endroits (une publication, un profil, un groupe, une publicité, etc), on peut "signaler" quelque chose à Facebook. Cela se fait à l'aide de la petite flèche ou des petits points verticaux.

"Je prends le temps de signaler chaque publication mais que fait vraiment Facebook avec cela ?", s'interroge notre jeune Namuroise.

Le signalement n'est pas envoyé directement. Il faut le catégoriser puis l'argumenter, d'une certaine manière. Et à la fin de la courte procédure, il y a différentes options selon les détails du signalement, Facebook vous prévenant des mesures qu'il peut prendre.

"Nous pensons que notre système très compréhensif de signalement et les standards de la communauté participent à faire de Facebook l'un des sites les plus surs sur le web. Nous encourageons les utilisateurs à utiliser tous les outils de signalement, pour que nous puissions enquêter et prendre des mesures rapidement", nous a expliqué Tineke Meijerman, responsable de la communication pour Facebook Benelux.

Impossible d'avoir des chiffres sur les équipes qui "enquêtent" sur ces signalements, ni sur la part d'automatisation du traitement de ces signalements.

Que fait Facebook avec ces signalements ?

D'expérience, cependant, si comme nous vous avez déjà signalé du contenu que vous estimiez inapproprié, ou une demande d'amitié très louche, vous savez à quoi aboutissent ces signalements.

Dans la plupart des cas, Facebook vous prévient qu'il a caché cette publication sur votre mur, ou empêcher une personne de vous contacter à nouveau. Rarement, il y a des sanctions vis-à-vis du compte ou du groupe concerné.

Pourquoi ? Car on en revient au point de départ de cet article: les 'standards de la communauté' de Facebook doivent convenir au plus grand nombre. Ils sont en quelque sorte le 'plus petit dénominateur commun' d'une sorte de tolérance universelle (si un tel concept existe…). N'est interdit que ce qui est jugé intolérable et inacceptable par la grande majorité de la population, tous pays, cultures et religions confondus.

Poster des photos de 'simples' trophées de chasse (du gibier traditionnel) ne sera jamais interdit par Facebook, car cela ne viole pas les règles mises en place par le réseau social. En cherchant bien, on tombe sur cette phrase qui pourrait cependant être sujette à interprétation, même s'il s'agit avant tout du 'respect d'autrui': "Nous supprimons les images explicites lorsqu’elles sont partagées par sadisme, ou pour célébrer ou glorifier la violence". En revanche, quand on s'expose avec un animal mort mais en voie d'extinction, par exemple, on entre dans l'illégalité – mais comment Facebook peut-il faire facilement la différence ?

Par contre, Facebook précise que tous les contenus liés à ces thématiques seront supprimés (et leurs auteurs parfois bannis (souvent avec sursis): menace directe envers une personne, automutilation et suicide, organisation dangereuse, harcèlement et intimidation, attaque à l'encontre d'une personnalité publique, activité criminelle, violence et exploitation sexuelles, nudité, discours incitant à la haine, contenu violent et explicite. Sans oublier la vente/revente de marchandises illicites, contrefaçons, armes, etc…

Dès qu'un tel contenu est signalé et authentifier par les équipes de Facebook, il est supprimé et son auteur (parfois) banni.

Groupe fermé ou secret: comment Facebook gère-t-il les contenus sensibles partagés "en privé" ?

Evoquons rapidement la problématique des 'groupes' sur Facebook. Il en existe de trois types: public (tout le monde y a accès et peut voir/signaler les publications), fermé (l'existence du groupe est publique, on peut voir son nom et ses membres, mais pas son contenu, il faut être invité) ou secret (groupe entièrement invisible sauf pour son créateur et ses membres invités).

Récemment, le groupe secret francophone Babylone 2.0 rassemblait les photos dénudées des conquêtes sexuelles des membres (ils étaient plus de 50.000). Il a finalement été supprimé par Facebook, car une fille a été invitée dans le groupe (sans doute par erreur) et a transmis des infos aux médias, qui ont relayé largement l'information.

Sans cette erreur, le groupe aurait continué ses activités car forcément, aucun de ses membres soigneusement invités n'aurait signalé le contenu à Facebook. En effet, il est impossible de signaler un groupe secret car il est invisible aux non-membres, or il faut toujours partir de la publication, du groupe ou de l'utilisateur, pour faire un signalement.

Quand bien même: le groupe n'enfreint visiblement aucun règle, à en croire le résultat d'un signalement effectué par rapport à Babylone 2.0:

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A cette problématique, la porte-parole de Facebook nous a répondu, sans vouloir être citée, que des équipes se chargeaient de vérifier tous les signalements, et que les administrateurs des groupes pouvaient être bannis s'il y avait effectivement une infraction des règles des 'standards de la communauté'.

Facebook admet également qu'il réévalue continuellement ses méthodes pour gérer ceux qui utilisent son réseau social à des fins illicites.

Conclusion

La plus grande richesse de Facebook, ce sont ses utilisateurs et le temps qu'ils passent sur ses différents services et plateformes. Ça lui permet de vendre toujours plus d'espace publicitaire, à un prix toujours plus élevé.

Le plus grand réseau social du monde doit donc essayer de contenter tout le monde, et a donc bâti ses 'standards de la communauté' sur cette idée d'une pseudo tolérance universelle…

Facebook doit faire attention à ne pas trop censurer, car il se veut réellement multiculturel et appréciable par le plus grand monde. Un rôle de censeur pourrait vite lui coller à la peau et détruire sa réputation, ou en faire un réseau social n'autorisant que les valeurs occidentales, voire américaines.

Mais il ne peut pas laisser trop longtemps du contenu offensant, même si la définition même de contenu offensant est assez subjective: ce qui fait rire les uns peut choquer les autres. Dans le cas des photos de chasseurs posant sur leurs trophées à peine refroidis, qui ont poussé Louise à nous contacter, le mieux que Facebook semble pouvoir faire, c'est de ne plus montrer aucune photos des "amis" de Louise concernés.

Bref, c'est un casse-tête pour les innombrables équipes de Mark Zuckerberg qui a, parait-il, une dizaine de collaborateurs dédiés à la gestion de sa page Facebook, entre photos subtilement retouchées et contrôle très stricts des commentaires…

Quoi qu'il en soit, Facebook impose sa vision de la tolérance digitale. En tant qu'entreprise privée, il fait ce qu'il veut, et fait visiblement de son mieux. Mais il est juge et partie, et c'est rarement une très bonne chose.


 

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