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Vous avez élu... deux papes

 
 

L’initiative provient de trois scientifiques, dont Damien Bol, un Belge parti faire un post-doctorat à Montréal. Ils ont mis en ligne le site Vote for Pope il y a un peu plus d’une semaine. Grâce à cet outil interactif, ils démontrent qu’en fonction du système électoral utilisé, le gagnant des élections n’est pas la même personne. Explications :

Le mot "élections" vous fait peur? Vous fait fuir? Vous ne comprenez jamais comment ça fonctionne et vous pensez, à tort, que peu importe votre vote, ce sont toujours les mêmes qui sont élus? Un petit tour du côté du site Vote for Pope vous prouvera qu’il peut être simple de comprendre les systèmes électoraux. "Ce site a un double objectif: informer le public sur les différents systèmes électoraux qui existent dans le monde pour élire les chefs d’État et recueillir des informations sur le comportement des électeurs soumis à ces différents systèmes" et est accessible en 6 langues, explique Damien Bol, docteur en sciences politiques à l’UCL et membre de la chaire de recherche du Canada en études électorales. Il est l’un des trois chercheurs qui se cachent sous cette initiative, avec le Français François Laslier et le Canadien André Blais, et nous a contacté via notre page Alertez-nous.

Six candidats

Le principe: il vous propose de voter pour le prochain pape. Six candidats sont proposés. Ils ont été souvent cités comme favoris par la presse internationale juste après l’annonce de la démission de Benoît XVI, mais ils ne sont pas forcément les favoris d’aujourd’hui. Peu importe, le but ici n’est pas d’élire virtuellement le prochain pape qui serait le préféré des internautes en sélectionnant les dizaines de candidats potentiels. Il est de tester le résultat de 4 systèmes électoraux différents: "le système à majorité relative à un tour, le système à majorité absolue à deux tours, le vote alternatif et le vote par approbation. Le site internet décrit également le système utilisé pour l’élection du Pape".

1)    Le système à majorité relative à un tour

C’est le vote utilisé pour élire le président Mexicain. Il est très simple : on choisit un seul candidat parmi tous ceux qui se présentent, et celui qui obtient le plus de voix est élu, peu importe que son score soit sous les 50%.

2)    Le système à majorité absolue à deux tours

C’est le système de la présidentielle française. Simple aussi : on ne vote que pour un seul candidat. S’il obtient plus de 50% directement, il est élu. Sinon, les deux meilleurs sont départagés lors d’un second tour.

3)    Le vote alternatif

Sous ce nom énigmatique se cache le système qui élit le président irlandais. Il est complexe à saisir. L’électeur classe ses candidats favoris du 1er au dernier. Tout se déroule ensuite. Premièrement, on comptabilise les candidats arrivés premiers. Si l’un d’eux obtient plus de 50%, il est élu. Sinon, celui ayant obtenu le moins de choix "n°1" est éliminé et les votes de ses bulletins sont redistribués aux autres candidats par ordre de préférence. Si un candidat obtient alors plus de 50%, il est élu. Sinon, le même processus est répété jusqu’à obtention d’un candidat ayant la majorité.

4)    Enfin, le vote par approbation

Il n’est utilisé dans aucun pays du monde, mais est défendu par de nombreux théoriciens comme étant un système très juste. Il est simple : l’électeur indique à côté de tous les candidats s’il le soutient ou non. Un simple pour ou contre, donc. C’est le candidat qui reçoit le plus de "pour" qui est élu.

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Et en Belgique?

C’est une variante de ce système qui est d’application en Belgique pour désigner le formateur du gouvernement. Celui qui obtient le plus de voix de préférence au sein du parti gagnant "prend la main" et devient traditionnellement formateur, puis Premier ministre s’il parvient à former une coalition gouvernementale. Il y a cependant plusieurs différences. "Je pense que la plus grande, c’est justement que la répartition se fait d’abord par parti. Les voix de préférence vont donc uniquement jouer sur la répartition des sièges au sein même du parti", tempère M. Bol. Une personne ayant obtenu le plus grand nombre de voix de préférence mais étant du parti arrivé deuxième ne sera donc pas le gagnant, le futur formateur. Autre différence : "La case de tête : elle diminue le poids des voix de préférence en permettant d’approuver l’ordre préétabli de la liste. Son utilité a souvent été débattue en Belgique, au point que sa valeur a déjà été diminuée par deux fois pour donner plus de poids aux voix de préférence, dans le but de donner plus de poids au choix des électeurs", explique encore M. Bol. Enfin, la multiplicité des candidats, puisque chaque personne présente sur chaque liste peut bénéficier d’une voix de préférence, diminue la pertinence des "votes contre", tant il y en a.

Verdict: deux Papes pour le prix d'un

Les premiers résultats sont tombés lundi 4 mars, après une première semaine de vote. Ils montrent qu’en fonction du système de vote, l’élu n’est pas le même. En effet, le cardinal Ouellet serait le nouveau Pape s’il était élu "à la française" ou "à la mexicaine", tandis que c’est le cardinal Turkson qui serait élu Pape sous les systèmes "à l’Irlandaise" et par approbation. Il y a eu plus de 5000 votes lors de cette première semaine, dont beaucoup de Québécois, ce qui explique la grande popularité du cardinal québécois Ouellet. Le nombre de votants belges s'élevait à environ 200. Vous pouvez retrouver les détails des votes en cliquant ici. "Ceci s'explique par la nature de ces systèmes électoraux. Les deux derniers donnent en effet des "point négatifs" aux candidats non-appréciés par les électeurs", explique Damien Bol. "Ce résultat différent selon les systèmes, c'est quelque chose qu'on espérait mais qu'on n'était pas sûr de voir ressortir. Ça prouve une fois de plus que le type de système utilisé est déterminant dans le résultat d'une élection", conclut le scientifique.

Gaëtan Willemsen


 

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