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Sylvaine ne peut plus se permettre de fêter Noël: "Je suis fatiguée d’espérer des jours meilleurs"

Sylvaine ne peut plus se permettre de fêter Noël: "Je suis fatiguée d’espérer des jours meilleurs"
Image d'illustration: la dame sur cette photo n'est pas Sylvaine
 
 

"Ces fêtes de fin d’année ont pour moi un arrière-gout amer. A l’heure où tout le monde s’apprête à fêter Noël, nous voici murés dans nos quatre murs en souhaitant juste nous réveiller à l’aube du 2 janvier et oublier tout ça! A tous ceux qui ne se sentent pas concernés, je vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année. Aux autres, je souhaite beaucoup de courage!"

Alors que la société belge est plus que jamais divisée entre droite et gauche, entre droit au travail et droit de grève, les fêtes de fin d'année, traditionnelle trêve des confiseurs, s'annonçaient comme un bol d'air en ces temps de confrontation/concertation sociale. Mais pas pour tout le monde. Reste l'ultime division, celle que seules les personnes dans le besoin remarquent: le fossé entre riches et pauvres, entre ceux qui peuvent se réjouir à Noël et ceux qui regardent le bonheur des autres en contemplant leur quotidien tristement inchangé.


Le chômage baisse...

Pourtant, nos chiffres du chômage sont meilleurs. La sortie de crise est là. Les derniers chiffres font état de 457.144 chômeurs complets indemnisés et demandeurs d’emploi pour tout le pays, dont 197.836 en Wallonie et 77.210 à Bruxelles. Le taux de chômage en Belgique n’est finalement "que" de 8,6%, même s’il reste une différence entre la Flandre et les autres régions. Le taux de chômage en Wallonie s'établit en effet autour des 13%, tandis que Bruxelles culmine autour de 21%, un chiffre proche des pays en crise du sud de l’Europe.


... mais pas la pauvreté

Mais ces chiffres ne reflètent pas la réalité. Ils ne prennent pas en compte les chômeurs partiels ou les personnes qui bénéficient du revenu minimum d’insertion du CPAS par exemple. 2015 verra d’ailleurs cette dernière catégorie grandir, puisque 50.000 chômeurs selon la FGTB, 27.000 selon l’Onem, se verront exclus du chômage suite à la limitation de l’octroi des allocations d’insertion à 3 ans par le gouvernement Di Rupo. Les chiffres du chômage seront donc à nouveau à la baisse, mais la pauvreté réelle, elle, grandira.

"Arrêtez de me souhaiter de bons vœux"

C’est dans ce contexte que Sylvaine, hier, veille du réveillon de Noël, a fait parvenir son "billet d’humeur" à RTLinfo via notre page Alertez-nous. Elle fait partie de la seconde catégorie de Belges, ceux qui regarderont les autres faire la fête ce soir, faute de moyens.


Voici son témoignage: "Les états d’âme d’une maman (un peu, beaucoup) en colère"

Je ne devrais pas me plaindre, je sais. J’ai un toit, une maison chauffée (mais pas surchauffée), un congélateur rempli jusqu’à la fin du mois (ou pas)… 67 centimes sur le compte et nous sommes le 23/12… Pas de fêtes prévues, pas de réveillons au calendrier, juste quelques cadeaux sous l’arbre pour les enfants, achetés au fur et à mesure depuis le mois de mai. Je ne devrais donc pas me plaindre, pourtant…

Mon mari a perdu son emploi au mois de mai et je suis sans emploi depuis 3 ans et aucun espoir d’en retrouver. Parce que j’ai fait des études? Parce que je suis trop diplômée? Parce que je dépasse l’âge légal? Parce que je suis vieille? (Cochez la mention inutile) Depuis que je suis rentrée en Belgique, il y a un an, je n’ai plus aucun droit (j’y ai pourtant travaillé toute ma vie), je n’ai plus de mutuelle (je suis à la charge de mon époux), je n’existe plus!

A l’heure où tout le monde s’apprête à fêter Noël, où toutes les télés nous abreuvent de jolis marchés, de magasins remplis de jouets, de menus de réveillon, nous voici, nous, murés dans nos quatre murs en souhaitant juste nous réveiller à l’aube du 2 janvier et oublier tout ça! Arrêtez de me souhaiter de bons vœux, ceux de l’année dernière n’ont pas amélioré mon quotidien, loin de là!

D’ordinaire optimiste, je ne suis actuellement pas très en phase avec moi-même. Oui, nous avons la télé (la vieille parce que la nouvelle s’est pris un orage cet été, et merci les assurances, nous n’avons pas su la faire réparer). Oui nous avons Internet, notre seul lien avec les amis aujourd’hui. Oui nous avons une voiture, mais pas diesel… et le reste qui tombe en panne à tour de rôle (aujourd’hui le sèche-linge).

Je suis fatiguée d’espérer des jours meilleurs, fatiguée de faire bonne figure, fatiguée de me démener pour terminer les fins de mois convenablement, fatiguée d’avoir fait pendant 6 semaines des décos de Noël pour le marché de Noël de l’école où, au final, nous n’avons rien vendu, fatiguée de vendre des vêtements de seconde main et nos bouquins, fatiguée de faire des concours pour gagner ne fût-ce qu’une place de ciné!

Bref, ces fêtes de fin d’année ont pour moi, aujourd’hui, un arrière-gout amer. A tous ceux qui ne se sentent pas concernés, je vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année. Aux autres, je souhaite beaucoup de courage! Et si vous vous demandez pourquoi nous n’avons pas encore demandé à être aidé, je vous répondrai que nous sommes certainement trop fiers et que la honte ne doit pas être très loin…

Syd, une maman qui rêve de marchés de Noël, de bulles et de paillettes…


 

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