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Le Cambodge sous pression internationale après l'interdiction de l'opposition

Le Cambodge sous pression internationale après l'interdiction de l'opposition
Des militants du Parti du sauvetage national du Cambodge à Phnom Penh au siège de ce parti d'opposition dissous par la Cour suprême, le 16 novembre 2017TANG CHHIN SOTHY
 
 

La pression internationale s'est accrue vendredi sur le Cambodge, appelé par les Etats-Unis et l'Union européenne à revenir sur sa décision d'interdire le principal parti d'opposition à quelques mois d'élections cruciales.

La dissolution du Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP) par la Cour suprême jeudi est le point d'orgue d'une longue série d'attaques orchestrées par l'inamovible Premier ministre Hun Sen contre son seul adversaire crédible.

Une décision qui a poussé Washington et Bruxelles à durcir le ton et à évoquer des sanctions.

La tension est, depuis des mois, très forte dans ce pays d'Asie du Sud-Est, dirigé depuis 32 ans par Hun Sen que les défenseurs des droits de l'homme accuse de vouloir faire place nette avant des législatives cruciales en juillet 2018.

Jeudi, plus d'une centaine de membres du parti ont par ailleurs été interdits de vie politique pendant cinq ans. Le Cambodge devient donc un "pays à parti unique", déplore le Royaume-Uni.

Début septembre, le parti avait déjà perdu son chef, Kem Sokha, inculpé pour "trahison et espionnage", passibles de 30 ans de prison.

C'est également pour des accusations de "complot" avec l'étranger, et notamment les Etats-Unis, que le CNRP a été dissous, par une Cour suprême contrôlée par le régime.

Quelques heures après, Washington a appelé Phnom Penh à "annuler ses récentes mesures". Dénonçant "un retour en arrière du développement démocratique" du Cambodge, les Etats-Unis ont annoncé qu'ils allaient mettre un terme au soutien apporté au Comité électoral national cambodgien.

Sur la même ligne, l'Union européenne (UE) a averti que les élections de l'année prochaine seraient dénuées de crédibilité si le CNRP n'est plus dans la course.

"Un processus électoral dont le principal parti d'opposition a été arbitrairement exclu n'est pas légitime", a déclaré un porte-parole de l'UE.

"Le respect des droits de l'homme" est une condition préalable pour que le Cambodge puisse continuer à bénéficier du programme de préférences commerciales de l'UE, a précisé l'UE.

Mais le porte-parole du parti au pouvoir a estimé vendredi que si les Etats-Unis et l'Europe ne voulaient pas aider le Cambodge "il y a des pays comme la Russie, la Chine, le Japon, la Corée du Sud qui nous aideront sur le chemin de la démocratie".

- 'Peur de la police' -

Vendredi, les rues de Phnom Penh étaient parfaitement calmes et aucune foule ne s'est pressée devant le siège déserté du CNRP, a constaté un journaliste de l'AFP, même si la dissolution de jeudi était âprement discutée par les passants.

"C'est très injuste, c'est comme s'ils volaient la volonté du peuple", déplore auprès de l'AFP Ly Huor, conducteur de tuk-tuk à Phnom Penh.

"Les gens sont calmes parce qu'ils ont peur de la police et des coups de feu", ajoute ce père de famille.

Pour Zeid Ra’ad Al Hussein, le haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, "l'utilisation de la loi contre le CNRP et ses membres est un écran de fumée". Il a dénoncé des "accusations vagues".

Depuis l'arrestation de Kem Sokha, plus de la moitié des parlementaires du parti ont fui à l'étranger pour échapper à cette nouvelle vague de répression. Aux autres, Hun Sen a promis "l'enfer" s'ils ne rejoignaient pas ses rangs.

Jeudi, il a confirmé que les élections se dérouleraient comme prévu estimant que la décision de la Cour suprême était "garante de paix".

A 65 ans, l'homme fort du Cambodge depuis plus de trente ans se dépeint comme la seule personne qui peut apporter la stabilité et la prospérité dans un pays toujours marqué par la guerre civile et le génocide perpétré par les Khmers rouges.

Et ce dernier, soutenu par la Chine, s'est montré jusqu'ici peu sensible aux pressions des puissances occidentales. Le Cambodge est devenu ces dernières années l'une des économies les plus dynamiques de la région, avec un taux de croissance autour de 7%.

Plusieurs parlementaires d'opposition appellent la communauté internationale à envisager des sanctions commerciales ou financières contre le gouvernement de Hun Sen, qui a bénéficié d'immenses programmes d'aides au développement pour soutenir sa marche vers l'économie de marché et la démocratie.

En 2013, lors des dernières législatives, l'opposition de ce pays de 15 millions d'habitants avait dénoncé des fraudes. Elle avait réussi à organiser de grandes manifestations anti-Hun Sen après le scrutin.


 

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