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Des mois après la "libération", ruines et explosions dans le Vieux Mossoul

 
 

Hussein Faleh ne rêve que d'une chose: rentrer chez lui dans le Vieux Mossoul. Mais plus de quatre mois après la "libération" de la deuxième ville d'Irak, les obstacles à son retour et à celui des autres déplacés du centre historique demeurent nombreux.

"J'aimerais rentrer et reconstruire ma maison, mais les forces de sécurité nous l'interdisent", rapporte ce chômeur de 29 ans, père de trois enfants.

Car il est toujours dangereux de s'aventurer dans les ruelles de la vieille ville où, jusqu'à ce que le groupe Etat islamique (EI) s'empare de Mossoul en 2014, se pressaient touristes, locaux et curieux.

"Des civils sont régulièrement victimes d'explosions" dans les centres urbains ou les zones agricoles de la province de Ninive (nord), dont Mossoul est le chef-lieu, explique Ghazouane al-Daouaoui, chargé des droits de l'Homme au siège du gouvernorat.

Et une fois le terrain déminé, la plupart des Mossouliotes de la Vieille ville perdent tout espoir de retrouver leur vie d'avant: leurs maisons et les échoppes où ils travaillaient ou se ravitaillaient ne sont plus qu'un tas de ruines.

La guérilla urbaine de neuf mois a quasiment rasé le coeur historique de la ville presque trois fois millénaire et la colline sur laquelle se dressaient bâtisses traditionnelles de bois et de plâtre, ainsi que mosquées et églises vieilles de plusieurs siècles.

- 'Cellules dormantes' -

Alors que les tirs des jihadistes et des soldats irakiens, les bombardements aériens et autres rafales d'artillerie se sont tus depuis juillet, le Vieux Mossoul est encore une zone fantôme.

Seul le clapotis du fleuve Tigre en contrebas et des cris d'animaux errants rompent le silence entre les ruines de bâtiments où des graffitis de l'EI s'estompent lentement.

Parfois, une explosion retentit. Ce sont les forces de sécurité qui passent au peigne fin des décombres, y faisant régulièrement détoner les bombes laissées par les jihadistes.

Mais ce que leurs hommes cherchent en priorité, ce sont les "cellules dormantes" de l'EI.

"Des combattants de l'EI se cachent encore dans les caves ou sous les gravats qui n'ont pas encore été retirés par les forces de sécurité", indique à l'AFP Khalaf al-Hadidi, membre du Conseil provincial de Ninive.

"Ils survivent grâce à des stocks d'eau et de nourriture", détaille-t-il. A Mossoul, selon la rumeur, certains jihadistes parviennent même à tenir des mois entiers sans sortir des souterrains, nourris par intraveineuse.

Les troupes débusquent régulièrement des jihadistes et en ont "tué plusieurs", poursuit M. Hadidi, mais "elles ne font pas d'annonce" car les autorités, en passe d'annoncer la fin de l'EI en Irak, veulent désormais à tout prix rassurer la population.

- Bruits et rumeurs -

Pour le sociologue Hamed al-Zoubeïdi, la présence de ces "cellules dormantes" est préoccupante. "Le fait de faire traîner la reconstruction va conduire à une nouvelle dégradation de la sécurité" dans la ville, estime-t-il.

En raison de l'étendue des dégâts dans la Vieille ville, située dans la partie ouest de Mossoul, Safad Yassine, un fonctionnaire de 28 ans, a décidé de traverser le fleuve pour louer un appartement dans l'est de la ville, qui fait figure de "paradis". Avec l'espoir que ce ne soit qu'une solution temporaire, en attendant de pouvoir rentrer chez lui.

Côté est, "95% des habitants sont rentrés chez eux", assure le chef de la police de Ninive, le général Ouathiq al-Hamdani.

Côté ouest, où 39.000 familles sont revenues --mais pas dans la Vieille ville--, "la sécurisation du secteur prendra encore du temps", de même que "la remise en état des services publics".

La nuit, des bruits étranges sont entendus dans la Vieille ville, assurent des habitants qui évoquent des pleurs et des cris de femmes et d'enfants. Certains avancent qu'il pourrait s'agir d'habitants encore enfouis sous les gravats qui appellent à l'aide.

"Toutes sortes de rumeurs circulent sur ces bruits", affirme Oum Mohammed, 33 ans. "Mais peut-être est-ce seulement le souffle du vent dans les ruines".


 

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