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Agriculture: les 27 divisés sur les restrictions à imposer à l'Ukraine

Agriculture: les 27 divisés sur les restrictions à imposer à l'Ukraine
Manifestation d'agriculteurs poloanis, le 20 mars 2024 à VarsovieWojtek Radwanski
 
UKRAINE
 

Les Vingt-Sept examinent mercredi le projet de plafonnement de certaines importations agricoles venant d'Ukraine, jugé insuffisant par une partie des Etats, dont la France, qui souhaitent étendre ces restrictions au blé --une revendication des organisations agricoles.

Une proposition amendée est discutée par les ambassadeurs des Etats membres, qui doivent rendre leur verdict en fin de journée.

"Il n'y a pas d'accord" sur l'inclusion du blé, avait reconnu mardi le ministre belge de l'Agriculture David Clarinval, dont le pays occupe la présidence tournante du Conseil de l'UE, en marge d'une réunion avec ses homologues européens.

"Nous sommes suffisamment de pays pour avoir une minorité de blocage, pour demander l'évolution" du texte, avait averti le ministre français Marc Fesneau.

C'est un motif de la récente colère agricole: l'UE accorde depuis 2022 à Kiev une exemption de droits de douane pour soutenir le pays face à l'invasion russe. Les agriculteurs européens accusent l'afflux de produits ukrainiens de plomber les prix locaux et de relever d'une concurrence "déloyale", faute de satisfaire aux mêmes normes.

Négociateurs des Etats et eurodéputés se sont accordés le 20 mars pour reconduire l'exemption douanière pour un an, à partir de juin, mais avec des restrictions.

-"Déstabilisation"-

D'abord, Bruxelles pourrait adopter rapidement "des mesures correctives" en cas de "perturbations importantes" sur le marché, même dans un seul pays, avec une surveillance accrue des flux de céréales.

Surtout, les importations dédouanées de volailles, oeufs, sucre, maïs, miel et avoine seraient plafonnées aux volumes importés en 2022-2023, au-dessus desquels des tarifs seraient aussitôt réimposés.

Mais ce "mécanisme de sauvegarde automatique" n'inclut pas le blé tendre et l'orge, comme le réclamaient les eurodéputés, les organisations agricoles mais aussi plusieurs Etats --France et Pologne en tête.

"On a une déstabilisation des marchés des céréales", en raison de "la stratégie russe d'empêcher l'Ukraine d'aller sur ses marchés traditionnels" en Afrique et au Moyen-Orient, fait valoir Marc Fesneau.

"Les routes maritimes via la mer Noire fonctionnent à nouveau, les produits ukrainiens vont retrouver leurs marchés", a observé son homologue hongrois Istvan Nagy. "Sans l'inclusion du blé, (l'accord) est inacceptable" pour Budapest, a-t-il prévenu.

Paris défend également l'élargissement à 2021 de la période de référence du plafonnement, faisant valoir que les volumes de 2022-2023 correspondent à des importations déjà massives. Le Parlement européen s'y était dit favorable en février.

Des demandes "équilibrées", selon Marc Fesneau, soucieux d'éviter des déséquilibres agricoles qui éroderaient "le soutien de l'opinion" à l'Ukraine.

-"Ajustements"-

L'accord conclu le 20 mars doit être formellement validé par le Parlement européen en plénière en avril, et par les Etats à la majorité qualifiée (15 pays représentant 65% de la population de l'UE). Tout amendement doit être entériné parallèlement de part et d'autre.

Tiraillée entre les Etats qui souhaitent protéger plus strictement leurs marchés et ceux qui entendent ménager les revenus commerciaux de Kiev, la présidence belge de l'UE a proposé mardi soir "de légers ajustements" au texte.

Berlin s'est dit hostile à toute révision: "Un compromis a été négocié, il faut s'y tenir!", s'est énervé mardi le ministre allemand de l'Agriculture Cem Özdemir.

"Beaucoup ne comprennent pas que la défense de l'Ukraine, et donc notre défense à tous, ne consiste pas seulement à fournir des munitions, mais aussi à ne pas reprendre la propagande russe selon laquelle la baisse problématique des prix des céréales serait due aux livraisons ukrainiennes. Il n'y a aucune preuve de cela!", s'est-il agacé.

Kiev ne cache pas son incompréhension.

"Nous sommes déçus. L'Ukraine a comblé un déficit de sucre dans l'UE", empêchant les prix de s'envoler trop, et lui "fournit environ 1% de sa consommation totale d'œufs, 2% de sa consommation de volaille: ce que pourraient facilement consommer les réfugiés ukrainiens", a expliqué à l'AFP le ministre ukrainien de l'Agriculture Mykola Solsky.

Les restrictions européennes n'influenceront guère les cours du blé "fixés à Chicago", plombés par d'abondantes récoltes brésiliennes, argentines et américaines, a-t-il ajouté.

Selon Bruxelles, un plafonnement qui, outre le texte initial, inclurait blé et orge, avec une période de référence élargie à 2021, réduirait au total d'environ 1,2 milliard d'euros les exportations ukrainiennes vers l'UE par rapport à 2023.


 

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