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Agriculture: Kiev prêt à contrôler ses exportations pour apaiser Varsovie, selon le ministre ukrainien

 
UKRAINE
 

Kiev est prêt à établir un système de licences encadrant ses exportations agricoles pour donner des gages à Varsovie, a indiqué lundi à l'AFP le ministre ukrainien de l'Agriculture Mykola Solsky, "déçu" des restrictions imposées par l'UE sur les produits de son pays.

"Nous sommes prêts à accepter un système de licences d'exportation" pour les produits à destination de la Pologne, "mais seulement pour quatre types de céréales. Nous avons déjà un système similaire avec la Roumanie et la Bulgarie", a-t-il souligné, à la veille d'une réunion à Bruxelles avec ses homologues des Vingt-Sept.

Depuis février, des agriculteurs polonais bloquent des postes-frontières avec l'Ukraine pour protester contre la concurrence "déloyale" des denrées affluant du pays en guerre, exemptées de droits de douane par l'UE depuis 2022. Et Varsovie réclame un plafonnement des céréales ukrainiennes, après leur avoir appliqué courant 2023 un embargo unilatéral.

Les deux voisins cherchent une sortie de crise. "Mercredi, une rencontre réunira les organisations agricoles ukrainiennes et polonaises, j'y participerai avec mon homologue polonais", avant "une réunion conjointe des gouvernements (des deux pays) jeudi", a déclaré Mykola Solsky.

Cité par l'agence PAP, le ministre polonais du Développement Krzysztof Hetman assurait lundi que les pourparlers avec Kiev étaient "très avancés, déjà au stade de l'établissement des produits sensibles" pour ce système de licences, avant une conclusion espérée "cette semaine".

M. Solsky se montre plus prudent: "Je ne peux prévoir ce qui se passera à Varsovie cette semaine. Je voudrais être optimiste, mais je dois être réaliste".

Plus généralement, "l'attention portée à cette question est bien plus grande que le problème réel" alors que "70% des céréales sont exportées vers l'Asie, l'Afrique et d'autres régions", a-t-il déploré.

- "Assurément déçus" -

Etats membres et eurodéputés se sont accordés pour reconduire pour un an, à partir de juin, l'exemption douanière accordée à l'Ukraine, mais en plafonnant les importations de volailles, oeufs, sucre, maïs et avoine d'Ukraine dans l'UE aux volumes de 2022-2023, niveaux au-dessus desquels des tarifs seront réimposés.

Certains Etats souhaitent désormais voir le blé également plafonné.

"Nous sommes assurément déçus. Nous aurions voulu au moins discuter des chiffres. Ainsi, l'Ukraine a comblé un déficit de sucre dans l'UE: le prix du sucre est aujourd'hui deux fois plus élevé qu'avant-guerre, et le sucre ukrainien l'a empêché, deux années consécutives, d'augmenter encore davantage", s'agace Mykola Solsky. "Ce n'est pas un problème pour les agriculteurs".

En outre, "l'Ukraine fournit à l'UE environ 1% de sa consommation totale d'œufs, 2% de sa consommation de volaille: ce que pourraient facilement consommer les réfugiés ukrainiens dans l'UE. Je ne suis pas convaincu que cela bouleverse le marché".

Il reconnaît une chute des prix du blé, mais qui pénalise également les cultivateurs ukrainiens: elle s'explique selon lui par des "récoltes brésiliennes, argentines et américaines élevées", et les restrictions européennes n'influenceront guère des cours "fixés à Chicago et sur les marchés mondiaux".

Les organisations agricoles européennes dénoncent cependant la concurrence "déloyale" de produits ukrainiens ne respectant pas les normes européennes (élevages géants, pesticides...) et surtout très bon marché.

Ce que réfute M. Solsky: "Les agriculteurs ukrainiens payent leurs engrais (majoritairement importés) plus chers, nous avons actuellement un grave déficit de main-d'œuvre que nous ne savons où trouver, tous les coûts logistiques sont plus élevés que n'importe où en Europe, sans parler des assurances".

Le président français Emmanuel Macron assurait par ailleurs vendredi que de "grands groupes européens" détournaient l'exemption douanière "pour aller produire en Ukraine et réimporter avec des règles de production moins-disantes sur notre sol".

De quoi surprendre le ministre: "Nous avons beaucoup d'entreprises (négociantes) comme Louis Dreyfus présentes depuis 20 ans en Ukraine (...) mais en général l'activité n'a pas augmenté, ce n'est pas si facile" d'opérer dans un pays en guerre, objecte-t-il.

Enfin, concernant la proposition de Bruxelles de taxer les produits agricoles russes, Mykola Solsky juge qu'il s'agit "d'un pas dans la bonne direction" mais appelle "à aller plus loin, avec un embargo total".


 

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