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A Ostie, près de Rome, il flotte comme un air de mafia

A Ostie, près de Rome, il flotte comme un air de mafia
Un homme tient une affiche lors d'une manifestation de journalistes défendant le droit à la liberté d'expression, à Ostie, en Italie, le 10 novembre 2017FILIPPO MONTEFORTE
 
 

C'est une cité populaire aux plages prises d'assaut à la belle saison, mais c'est aussi le territoire de clans qui se partagent trafic de drogue, racket et extorsion. A Ostie, arrondissement de Rome situé à 30 km du Colisée, il flotte comme un air de mafia.

Depuis mardi, la localité de 85.000 âmes aux HLM couleur ocre est sous le feu des projecteurs après l'agression d'un journaliste par Roberto Spada, l'un des frères dont le clan sévit depuis des années sur le littoral de l'est de la capitale.

Au journaliste qui l'interrogeait sur ses liens avec le mouvement néo-fasciste CasaPound, il a asséné un violent coup de tête, lui fracturant le nez, un geste qui a suscité une vague d'indignation à travers la péninsule.

"Si tu ne vois pas, tu n'entends pas et tu ne parles pas, alors tu peux vivre 100 ans ici. Mais si tu veux changer les choses, tu vas au-devant de gros problèmes", confie à l'AFP un sexagénaire, sous couvert d'anonymat.

"Il fallait intervenir plus tôt. Les problèmes se sont enracinés et maintenant cela ne sert à rien de couper une branche parce qu'une autre repousse et que l'arbre reste debout", se lamente encore ce natif d'Ostie.

Le journaliste agressé réalisait un reportage dans le cadre des élections municipales d'Ostie, où CasaPound a réalisé une percée avec 8% des voix au premier tour dimanche. Depuis deux ans, la localité était sous tutelle, après la dissolution du conseil d'arrondissement pour infiltrations mafieuses.

A Ostie, tout le monde sait mais peu osent parler ouvertement des clans qui gangrènent la ville depuis des décennies, une main-mise faite de rackets, de trafics en tous genres et de marchés truqués.

"Regardez cette plage, il n'y a pas si longtemps il avait des cabines, des locations de matelas, des maîtres-nageurs, tout cela géré abusivement par un clan", raconte un riverain.

"Mais depuis l'été dernier, plus rien. La municipalité avait décidé de lancer un appel d'offres pour sa gestion, mais personne ne s'est proposé...", sourit-il d'un air entendu.

- 'Fouiller un peu trop' -

L'agression du journaliste, qui travaillait pour une émission d'investigation diffusée sur le chaîne de télévision publique (Rai), a suscité des réactions mitigées parmi les habitants.

Une centaine de journalistes ont manifesté vendredi sur les lieux pour défendre la liberté d'expression.

"Disons que la présence de la presse a obligé les forces de l'ordre à soulever le couvercle de la marmite, en espérant qu'ils vont rester une fois l'emballement médiatique passé", a déclaré à l'AFP Silvia Frau, une habitante venue assister au rassemblement.

Mais d'autres, comme ce passant, estiment en revanche que le journaliste a "bien cherché ce qui lui est arrivé": "Il aurait dû comprendre qu'il devait s'arrêter, il était trop insistant, il voulait fouiller un peu trop", dit-il.

Parmi les responsables politiques, la maire de Rome Virginia Raggi (Mouvement 5 Etoiles, populiste) a été l'une des premières à réagir, assurant que son administration allait "arrêter la criminalité" dans cette fraction de la Ville éternelle.

Pour le second tour de l'élection municipale le 19 novembre, la candidate de son mouvement est au coude-à-coude avec celle d'une coalition de droite.

Arrivé en quatrième position dimanche, CasaPound a invité ses électeurs à "aller à la mer ce jour-là", opposant à la gestion calamiteuse de Mme Raggi, "qui n'a même pas réussi à déplacer un matelas abandonné en 18 mois", son propre travail social sur le terrain, à l'aide des bénévoles du mouvement.

Quant à ses supposées accointances avec le clan Spada, dont le boss Carmine Spada purge une peine de 10 ans de prison pour extorsion dans le cadre d'une association mafieuse, CasaPound estime qu'elles résultent "d'une campagne de décrédibilisation du mouvement à un moment où il engrange des voix".

"Ce qu'a fait CasaPound sur le territoire est un travail anti-mafia, anti-criminalité organisée", a affirmé jeudi Simone Di Stefano, vice-président de ce mouvement né au milieu des années 2000 et se réclamant de l'idéologie fasciste.


 

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