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Yvelines: un lieu de "reconstruction" pour les femmes victimes de violences

Yvelines: un lieu de "reconstruction" pour les femmes victimes de violences
Capture d'écran d'une vidéo montrant des affiches de sensibilisation, au mur des locaux de l'association "Women Safe", à Saint-Germain-en-Laye, le 23 novembre 2017Agnès Coudurier-Curveur
 
 

Elles ont "perdu pied en un jour", ont traversé "une espèce de guerre": à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), une association accompagne les femmes victimes de violences dans un "processus de réparation", en réunissant dans un même lieu médecins, psychologues et avocats.

Sophie a quitté son époux après 20 ans de mariage, avec l'impression de sortir "d'une espèce de guerre". "J'ai découvert que pendant toutes ces années, je n'avais vécu que du dénigrement et que je l'avais toujours accepté", relate cette femme de 47 ans, qui raconte notamment la façon dont elle s'est sentie "inexistante" après avoir appris que son mari, avec qui elle travaillait dans une agence de communication, ne l'avait jamais déclarée.

"Ici, j'ai pu me reconstruire" mais "la marche est vraiment longue parce que quand vous quittez un lieu de violences physiques, psychologiques, après vous avez des épreuves au niveau de la justice également", poursuit-elle. "C'est un vrai combat".

A Saint-Germain-en-Laye, elle a poussé la discrète porte vitrée de l'association "Women Safe", trouvant un "garde-fou" dans ces locaux épurés installés près de l'hôpital.

Ouverte en janvier 2014, cette "clinique" expérimentale d'abord baptisée "Institut en santé génésique" se veut ouverte aux femmes victimes de "toutes les violences": attouchements, viol, harcèlement, violences économiques, mariage forcé, violences gynécologiques...

"La première chose, c'est qu'elles puissent parler, qu'elles soient crues, et qu'on ne remette pas en question systématiquement tout ce qu'elles disent", résume Dany Hamon, l'une des infirmières auprès de qui les femmes "posent leurs valises".

Elles peuvent ensuite, au même endroit, consulter un médecin ou un gynécologue, chercher un logement, être suivies par un psychologue, un ostéopathe, participer à des cercles de parole ou faire du yoga. Près de 1.300 femmes ont été accompagnées, avec en moyenne dix rendez-vous.

Ce sont "différentes femmes qui ont une vraie souffrance, qui peut être physique, psychique - sachant que les deux sont liés -, souvent des traumatismes qui sont difficiles à verbaliser", résume Rim Mourr, psychologue. "On essaye un peu de leur offrir un endroit pour pouvoir s'exprimer, un endroit vraiment pour elles".

- La justice, parfois 'double-violence' -

"Je ne me sentais pas entière et je ne me sentais pas femme. J'avais l'impression d'avoir le corps d'une petite fille", raconte une jeune femme qui a été récemment opérée après une excision dans sa petite enfance.

"Au départ, je ne trouvais pas nécessaire d'aller voir une psychologue" mais "je me rends compte qu'en en parlant, je me libère un peu plus", ajoute cette trentenaire élégante qui bute sur le mot "excision". "Peut-être parce que je n'ai pas envie que ça soit réel même si je sais que c'est là", glisse-t-elle.

Les professionnels, pour la plupart bénévoles, sont autant de "maillons" réunis au même endroit pour accueillir les femmes, dont certaines arrivent après avoir contacté "30 interlocuteurs", insiste Frédérique Martz, qui gère cette association financée par des acteurs publics et des fondations privées.

On "accompagne [chaque femme] dans un processus de réparation", qui est "un processus global", estime le Dr Pierre Foldès, chirurgien spécialisé dans la reconstruction après l'excision et co-fondateur des lieux. "Rester en lien autour de cette femme, c'est la façon qu'on a de réussir".

Des partenariats ont été tissés pour faire de la prévention, notamment avec des pharmaciens et des universités. Une convention a été signée avec le parquet de Versailles: près de 30% des femmes déposent plainte, mais "la justice peut être une double violence. Ce n'est pas forcément la seule solution ou la meilleure solution", nuance Axelle Cormier, juriste de l'association.

"Ce qui a beaucoup ralenti ma reconstruction, c'est les jugements", confirme Aurélie, 42 ans, victime de violences morales. "Vous avez la violence de la personne avec qui vous avez vécu, mais vous avez la violence de tout ce que vous vivez à côté qui est beaucoup plus dure", dit-elle.

A l'époque, cette entrepreneuse raconte avoir parfois cru "mourir par désespoir", mais elle trouve aujourd'hui "ridicule" de l'avoir pensé. Et pour parler de son cheminement, elle choisit l'image d'une "jambe cassée" qui, en guérissant, "devient plus solide qu'avant".


 

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