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Russie: les VPN, dernière cible du tour de vis sur l'internet

Russie: les VPN, dernière cible du tour de vis sur l'internet
L'ONG Amnesty International a critiqué un "coup majeur à la liberté de l'internet"JAIME RAZURI
 
 

Une loi entrant en vigueur mercredi en Russie s'attaque aux connexions sécurisées et anonymes à internet, ce que professionnels et défenseurs des droits de l'Homme dénoncent comme un renforcement de la censure à l'approche de la présidentielle.

Adopté cet été, le texte interdit les logiciels qui permettent d'accéder à internet de manière anonyme ou par "VPN" ("Réseaux privés virtuels"). Ces connexions privées utilisées par des entreprises à des fins de sécurité mais aussi par des utilisateurs souhaitant faire croire qu'ils se connectent depuis un autre pays pour contourner les blocages de certains sites.

La loi charge l'agence russe de surveillance des télécommunications Roskomnadzor d'établir la liste des services permettant de se connecter de manière anonyme et l'autorise à les bloquer.

Pour ses auteurs, il s'agit d'éviter que les internautes ne contournent les décisions de la justice russe pour visiter des sites bloqués, par exemple pour leur lien avec des organisations terroristes ou parce que jugés extrémistes.

Mais pour ses détracteurs, il constitue une nouvelle étape du tour de vis exercé sur l'internet russe depuis le retour au Kremlin de Vladimir Poutine en 2012, accompagné de manifestations d'une opposition très connectée.

L'ONG Amnesty International a critiqué un "coup majeur à la liberté de l'internet" tandis qu'Edward Snowden, l'ex-consultant du renseignement américain réfugié en Russie, a estimé que la loi rendait le pays "moins sûr et moins libre".

La loi "affectera les journalistes et les militants qui utilisent ces services pour publier des messages de manière anonyme", prévient Eva Galperin, directrice pour la cybersécurité chez Electronic Frontier Foundation, une ONG de protection de libertés sur internet basée aux Etats-Unis.

Elle estime que la loi sera appliquée de manière sélective et devrait épargner les sociétés étrangères implantées en Russie, qui craignent de perdre avec les VPN un moyen de sécuriser leurs données.

Ces mesures entrent en vigueur à quatre mois de la présidentielle de mars, où Vladimir Poutine devrait être sauf surprise candidat pour un quatrième mandat.

L'opposition, à l'image d'Alexeï Navalny, utilise surtout internet et les réseaux sociaux pour diffuser ses messages alors que les médias nationaux l'ignorent.

- 'Contrôle absolu'-

Plusieurs fournisseurs de services VPN, tels VPN Zenmate ou Private Internet Access, ont déjà prévenu qu'ils ne comptaient pas se plier à la nouvelle loi.

Cette loi "demande pratiquement aux services VPN d'aider la Russie à renforcer son régime de la censure", s'insurge Harold Li, vice-président du groupe Express VPN International.

"Les VPN sont essentiels pour rester privé et anonyme en ligne, et pour la liberté d'expression. Donc ces restrictions représentent une attaque contre les droits numériques", a-t-il assuré à l'AFP.

Depuis 2012, l'appareil législatif encadrant l'internet s'est renforcé en Russie sur fond de durcissement politique mais aussi de menace terroriste.

Une nouvelle loi impose aux entreprises technologiques et télécoms, y compris étrangères, de stocker à partir de 2018 les données de leurs utilisateurs russes en Russie et de les transmettre aux autorités si elles en font la demande.

A la mi-octobre, la justice russe a condamné la messagerie Telegram, connue pour offrir une grande sécurisation et parfois critiquée pour être utilisée par des groupes terroristes, à une amende pour avoir refusé de fournir aux services de sécurité (FSB) les clés de cryptage de données permettant de lire les messages de ses utilisateurs.

Pour Sarkis Darbinian, directeur du Centre pour les droits numériques à Moscou, la stratégie suivie par la Russie repose sur "le concept de souveraineté numérique", c'est à dire le contrôle du trafic internet sur le territoire.

"Les pays occidentaux ne soutiennent pas ce concept et ce que nous voyons aujourd'hui, c'est un développement de l'internet dans un style asiatique", à l'instar de la Chine et de l'Iran, estime-t-il.

En Chine, où les autorités contrôlent depuis longtemps le web, le gouvernement a récemment commencé à bloquer les logiciels VPN jusqu'ici facilement téléchargeables avant le dernier congrès du Parti communiste chinois.


 

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