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Le cyberharcèlement, une violence difficile à contrer

Le cyberharcèlement, une violence difficile à contrer
De nombreuses victimes soulignent les difficultés rencontrées pour porter plainte pour cyberharcèlement, un délit passible de deux ans de prison et de 30.000 euros d’amendeSAUL LOEB
 
 

Le cyberharcèlement, subi particulièrement par des militantes féministes dans la foulée de l'affaire Weinstein, a des conséquences graves sur les victimes et peine à être neutralisé par une réponse pénale dissuasive.

"J’espère que vous avez bien assuré vos deux jambes ": des menaces comme celle-ci, Clara Gonzales en a reçu des milliers sur Twitter et Facebook. Fin octobre, Eliott Lepers et elle avaient mis en place un numéro "anti-relou" destiné à décourager les auteurs de harcèlement sexuel, à la suite de l'affaire Weinstein. Après une "attaque coordonnée", le service, engorgé par 16.000 messages malveillants, avait été désactivé au bout de trois jours.

Les deux militants ont vite identifié la source de ces cyber-attaques: le forum "Blabla 18/25" du site jeuxvideo.com, régulièrement critiqué pour les campagnes de cyberharcèlement menées par certains de ses membres anonymes ou les propos haineux qui y circulent.

La journaliste d'Europe 1 Nadia Daam, qui a dénoncé ce cyberharcèlement dans une de ses chroniques début novembre, a reçu des dizaines d'insultes et menaces de viol et de mort.

Intimidations, insultes, menaces, moqueries, propagations de rumeurs, usurpations d'identité, publication de photos humiliantes: le cyberharcèlement peut aller très loin, parfois jusqu'à l'incitation au suicide.

Ce phénomène ne se limite pas aux militants et vise surtout des femmes et des adolescents. Selon une étude de 2016 du centre Hubertine Auclert, un organisme qui promeut l'égalité femmes hommes, 20% des filles entre 12 et 15 ans rapportent des insultes en ligne sur leur apparence physique, pour 13% des garçons. Elles sont 17% à avoir été confrontées à des envois et partages de contenus à caractère sexuel, contre 11% des garçons.

- Phénomène qui s'amplifie -

61% des femmes victimes de cyberharcèlement ont déclaré avoir ressenti une baisse de l’estime et de la confiance en soi selon une étude d'Amnesty International publiée lundi : elles sont 55% à avoir été atteintes de stress, d'angoisse et de crises de panique après avoir été cyberharcelées.

"Ça vous met dans un état de stress très important" témoigne Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes, victime de cyberharcèlement en 2015 quand elle était porte-parole d’Osez le féminisme.

Elle avait dénoncé une fresque de l’hôpital de Clermont-Ferrand mimant un viol collectif et évoquant la loi santé portée par Marisol Touraine: le but est "de vous faire taire" selon elle, "c’est de l’intimidation".

Webedia, entreprise éditrice de jeuxvideo.com, a déclaré à l’AFP avoir augmenté le nombre de modérateurs salariés – désormais 15 – après le harcèlement dont a été victime Nadia Daam, mais n'a pas souhaité communiquer sur les nouveaux outils "par soucis d’efficacité". Twitter, critiqué pour sa modération jugée laxiste, a présenté en octobre sur son blog un calendrier des mesures prises pour lutter contre le harcèlement et les propos haineux dans la foulée de l'affaire Weinstein.

De nombreuses victimes soulignent les difficultés rencontrées pour porter plainte pour cyberharcèlement, un délit passible de deux ans de prison et de 30.000 euros d’amende. En cas de menaces de mort, l'auteur risque trois ans de prison et 45.000 euros d'amende. Clara Gonzales raconte avoir dû insister auprès du commissariat de sa ville pour déposer plainte.

Début novembre, une note du patron de la gendarmerie, le général Richard Lizurey, a demandé aux militaires de porter une "attention particulière" à "la détection et la matérialisation des cyberviolences ou des victimes exprimant leur détresse sur internet", un "phénomène qui tend à s'amplifier".

Même après une plainte, les enquêtes sont parfois difficiles: "Si on a un auteur qui poste à longueur de journée, il est bien identifié. Mais si on a 50 personnes qui postent chacune un ou deux messages, qui est responsable ?" relève le colonel de gendarmerie Nicolas Duvinage, à la tête du centre de lutte contre les criminalités numériques.

Les enquêtes nécessitent "du temps et de l'argent": il faut "lister et prioriser" les auteurs afin notamment "d'identifier les meneurs". 3.000 enquêteurs de la gendarmerie ont été formés pour traiter aussi bien des affaires de harcèlement que d’escroquerie en ligne.


 

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