En ce moment
 
 

Ecoutes judiciaires: la nouvelle plateforme ne dissipe pas les inquiétudes

Ecoutes judiciaires: la nouvelle plateforme ne dissipe pas les inquiétudes
Cette nouvelle plateforme censée centraliser les écoutes et permettre de passer de 4.000 à 12.000 interceptions simultanées, a été rendue obligatoire depuis le 12 septembreSTEPHANE DE SAKUTIN
 
 

La plateforme nationale des interceptions judiciaires (Pnij), qui fait l'objet d'un feu roulant de critiques depuis l'annonce de son lancement il y a huit ans, n'en finit plus de mécontenter enquêteurs et syndicats mais pour la Chancellerie qui promet encore des "correctifs", c'est "un outil qui fonctionne".

Après avoir enchainé dysfonctionnements et retards, l'utilisation de cette nouvelle plateforme censée centraliser les écoutes judiciaires en France et qui doit permettre de passer de 4.000 à 12.000 interceptions simultanées, a été rendue obligatoire pour l'ensemble des enquêteurs depuis le 12 septembre. Au grand dam des syndicats policiers.

"L'interface homme/machine est laborieuse et chronophage, la gestion de plusieurs écoutes difficilement réalisable, les problèmes de connexion et de lenteur ne sont pas résolus", énumère le syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI-CFDT). "En outre, la cécité dans le domaine" des données qui transitent sur le réseau mobile "demeure dramatique et la Pnij ne permet toujours pas de procéder à des écoutes de lignes téléphoniques utilisant les dernières technologies", critique le syndicat.

Des enquêteurs font en outre remarquer que le choix technique du streaming, un flux sans enregistrement, retenu par la Pnij, se heurte - hormis au nouveau siège de la PJ à Paris - à la vétusté du réseau internet et du parc informatique policier.

"Quand nous n'avons besoin que de fadettes (factures détaillées), il faut reconnaître que l'outil est beaucoup plus rapide que ce que l'on pouvait avoir auparavant. Nous avons aussi une réponse beaucoup plus rapide sur les identifications de numéros", relève Isabelle Trouslard, secrétaire nationale du syndicat Synergie-Officiers.

En revanche, les "services très spécialisés" qui ont besoin d'utiliser les interceptions, généralement dans des enquêtes "qui ont trait à la criminalité organisée", sont "confrontés à la limite du système", ajoute-t-elle, "Tant que tout n'est pas résolu, c'est une erreur d'imposer l'utilisation de la Pnij".

- 45.000 utilisateurs réguliers -

"Tout nouveau changement entraîne crainte et inquiétude et puis à partir du moment, où on centralise tout, on centralise aussi les difficultés", convient un porte-parole du ministère de la Justice. "Son déploiement fait l'objet d'un accompagnement."

"Des correctifs doivent être réalisés mais la Pnij est un outil qui fonctionne", met en avant cette source, chiffres à l'appui.

"La Pnij représente aujourd'hui 8.500 interceptions judiciaires. C'est encore 2 millions de demandes d'obtention de données par an, 45.000 utilisateurs réguliers, 7.000 connexions par jour, 600.000 communications et 900.000 SMS interceptés chaque semaine", détaille le porte-parole du ministère de la Justice.

"Il y a des vraies avancées sur les prestations annexes. L'idée est d'être toujours plus réactif. La Pnij va être développée sur les smartphones pour que les enquêteurs puissent avoir les informations en temps et en heure", avance encore cette source.

Véritable serpent de mer, la mise en place de la Pnij initiée en 2009 sous l'ex-garde des Sceaux Rachida Dati et opérée par le groupe Thalès, a fait l'objet en 2016, d'un examen sévère de la Cour des Comptes qui en a critiqué le coût exponentiel.

En 2016, l'ex-garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas, tout en défendant le dispositif, avait estimé que le contrat de 2009 (passé avec Thalès) "n'était ni fait ni à faire. Il a sous-calibré l'attente".

Après avoir demandé la création d'une commission d'enquête parlementaire pour faire "toute la lumière sur cet outil dont les limites opérationnelles nuisent gravement à la sécurité de notre pays", le SCSI vient d'adresser au Premier ministre, un courrier pour demander une "nouvelle approche dans ce dossier" et réclamer la publication d'audits demandés en 2016 sous Manuel Valls.

Sur cet épineux dossier, la position de l'opérateur ne varie pas d'un iota. Il rappelle notamment que la demande à laquelle la plate-forme doit "désormais répondre, a considérablement évolué". La raison? "La montée du risque, en particulier terroriste, qui entraîne une augmentation du nombre des demandes d'interceptions judiciaires" et "l'arrivée de nouvelles technologies de communication qui entraîne une explosion du volume d’informations à traiter dû entre autres à la 4G".


 

Vos commentaires