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Une cérémonie d'adieu qui fait entrer Johnny dans le "patrimoine"

Une cérémonie d'adieu qui fait entrer Johnny dans le "patrimoine"
Johnny Hallyday sur scène, le 29 septembre 2006 à ParisFRED DUFOUR
 
 

L'hommage prévu pour Johnny Hallyday sur les Champs-Elysées est rarissime pour un artiste et va faire entrer le chanteur dans le patrimoine national, explique Jean-Pierre Albert, directeur d'études à l'EHESS et spécialiste du religieux.

Q: En quoi Johnny est-il un héros national, comme l'a qualifié le président Macron ?

R: "On est à mille lieux du héros national ! L'oeuvre de Johnny n'a pas de rapport direct avec la politique, il n'est pas un martyr qui a influé sur le destin de son pays comme Jean Moulin. Pour qu'il y ait des héros, il faut qu'il y ait de l’héroïsme.

Les hommages (qui lui seront rendus) traduisent une évolution dans les représentations des figures exemplaires. Il est certain que dans le monde occidental, il y a cette idée que l'héroïsme de type militaire n'a plus lieu d'être, il est beaucoup moins reconnu ou valorisé.

Si on dit que Victor Hugo est un héros national, c'est parce qu'il a souffert pour ses idées en s'exilant pendant presque vingt ans à l'arrivée au pouvoir de Napoléon III. On n'a rien de tel avec Johnny Hallyday. On est aussi assez loin de l'idée du grand homme, comme personnage-phare pour l'humanité".

Q: Alors pourquoi un tel engouement ?

R: "On connaîtra peut-être une situation analogue le jour où Zidane mourra. On est face à des personnages qui incarnent de manière saillante une excellence dans leur domaine.

Ce qui me frappe, c'est que les gens louent son courage face à la maladie. C'est comme si l'héroïsme s'était replié à l'échelle individuelle: Johnny se donnant à son public malgré la maladie, c'est un modèle de reconstruction héroïque où on valorise son combat personnel.

En définitive, ce que lui doivent ses admirateurs, c'est d'avoir été un soutien individuel, avec des chansons qui les ont aidés à trouver les mots évoquant leur propre vie".

Q: Que dit de nous cette cérémonie ?

R: "La plupart des gens ont l'impression qu'ils ont +leur Johnny+, soit une relation intime. Il y a à l'oeuvre une fidélité à soi-même très importante d'autant plus que le public de Johnny est notamment composé de fans qui l'ont découvert dans les années 60 et lui sont restés fidèles. La nostalgie est importante, il y a une façon de se référer à un passé heureux.

Cette cérémonie d'adieu inédite illustre également le clivage entre la société civile et l'Etat car là, on est en dehors des processus classiques de certification que l'Etat propose.

D'une certaine façon, on fait entrer Johnny dans le patrimoine.

Parmi les gens qui se rendront samedi sur les Champs-Elysées, il y en aura qui viennent parce que c'est un événement, une sorte de repère biographique. Se connecter à des phénomènes publics est une façon d'agrandir sa vie".


 

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