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Mathias Heymann, Basilio au pied léger de "Don Quichotte" à l'Opéra de Paris

 
 

"Ça tombe plutôt bien pour un barbier, non?" L’œil malicieux, Mathias Heymann arbore un fin collier, une incongruité pour une étoile sur la scène de l'Opéra de Paris, où il danse le rôle phare de Basilio dans "Don Quichotte" pour les fêtes.

"Ma directrice m'a dit que ça m'allait bien", dit-il en souriant. La directrice, c'est Aurélie Dupont, qui l'a distribué en vedette dans ce ballet réputé "un des plus difficiles du répertoire".

"Don Quichotte est spécial pour moi, ça a été mon premier grand rôle, j'avais 19 ans et j'étais seulement sujet, ma partenaire était Aurélie Dupont", rappelle-t-il.

A 30 ans, Mathias Heymann garde cet air juvénile des princes charmants et des amoureux fougueux des grands ballets classiques. "Pour Basilio (le jeune barbier, héros de "Don Quichotte") on recherche une fraîcheur, de la nouveauté et une qualité de sauts", résume-t-il.

Car des sauts, il y en a dans ce ballet virtuose revu par Rudolf Noureev à partir de l’œuvre de Marius Petipa. Noureev prenait grand soin à rehausser les rôles masculins, et pas précisément dans le sens de la facilité!

"C'est un ballet en mouvement, très différent du Lac des Cygnes où il peut y avoir des poses nobles et classiques, il faut avoir le dynamisme et l'énergie".

Cette énergie et sa technique impeccable l'ont désigné pour la première distribution de "Don Quichotte" (jusqu'au 6 janvier). Sur scène, il semble s'élever comme en apesanteur, sans effort.

Le roseau s'est pourtant brisé une fois, en 2011, foudroyé par une fracture de fatigue au tibia qui lui a coûté 18 mois d'arrêt. Tenace, le jeune homme remonte la pente, grâce à la rencontre d'un danseur anglais d'origine italienne, Federico Bonelli, atteint de la même blessure.

"La difficulté était de prendre la décision de se faire opérer, avoir du métal dans le corps, pour un danseur ce n'est pas évident", raconte-t-il. Impossible de soupçonner lorsqu'on le voit danser qu'une tige est insérée sur toute la longueur du tibia.

- "J'étais petit et rond" -

Le jeune homme dit être sorti "plus fort" de cette épreuve. "Ça donne du recul, ça m'a permis clairement de me retrouver moi-même aussi", après une ascension éclair au sein du corps de ballet, où il est nommé étoile à 21 ans, après avoir gravi un échelon pratiquement tous les ans.

Mathias Heymann est rentré relativement tard, à 14 ans à l’École de danse de l'Opéra de Paris, où les "petits rats" entrent généralement à 8 ans.

Petit, il est initié à la danse en Afrique où vivent ses parents expatriés. Une maman d'origine marocaine qui donne des cours de danse orientale, un papa ingénieur puis professeur de maths dans les lycées français à l'étranger: il grandit en Casamance, au Maroc, à Dakar puis Djibouti.

De retour à Marseille à 9 ans, il suit les cours d'une danseuse du ballet de Genève, Véronique Sottile, qui le pousse à passer des concours. Ni elle, ni lui ne pensent à l'école de l'Opéra. "Je n'avais pas le physique, j'étais plutôt petit et rond".

C'est finalement son père qui force le destin, en envoyant une vidéo "à mon insu" à l'école de danse. "J'ai eu la chance d'être convoqué par Claude Bessy pour une semaine d'essai et d'avoir été pris".

Entré dans le corps de ballet en 2004, il est nommé étoile le 16 avril 2009 à l'issue du ballet Onéguine de John Cranko.

Depuis, il enchaîne les rôles de prince (Casse-Noisette, La Bayadère, Le Lac des cygnes ...) avec de rares incursions dans le ballet contemporain. L'avenir s'annonce radieux: il sera un des trois interprètes du "Boléro" en février-mars prochain avec Marie-Agnès Gillot et Amandine Albisson.

Et s'il devait choisir une autre activité? Ce serait ... "les plantes, que j'ai découvert quand j'ai été arrêté pour ma blessure. J'aime énormément la terre, et si je devais me reconvertir, je penserais à ça".


 

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