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Avant de quitter le TNT, Agathe Mélinand livre un Proust féroce et intime

Avant de quitter le TNT, Agathe Mélinand livre un Proust féroce et intime
Laurent Pelly et Agathe Mélinand, dans le Théâtre National de Toulouse qu'ils codirigent, le 15 septembre 2016PASCAL PAVANI
 
 

Agathe Mélinand, qui codirige depuis une décennie avec Laurent Pelly le Théâtre national de Toulouse, propose avant de passer la main une adaptation "féroce et drôle" du livre inachevé de Proust, "Jean Santeuil".

"La petite dame blonde du théâtre", une image qui l'amuse, semble toujours en mouvement et ne pense pas au terme de son mandat à la tête du TNT à la fin décembre. Cheveux courts et platines, entièrement mise de noir, elle jette un regard perçant en enlevant sa casquette de marinier.

De ces dix années à la tête de l'institution toulousaine, elle parle au présent, comme d'un chantier en cours. Elle déclame, avec à chaque fois le même enthousiasme, le souvenir des spectacles qui se sont enchaînés.

"Le but, c'est la diversité de la programmation, proposer du théâtre, de la musique, du cinéma, de la danse".

- L'amitié comme méthode -

En regardant dans le rétroviseur, Agathe Mélinand avoue que l'amitié a eu un rôle majeur dans la programmation. L'acteur-auteur dramatique Jacques Gamblin ou l'homme orchestre Jean-François Zygel sont ainsi entrés dans la famille du TNT.

La codirection du théâtre, le binôme qu'elle forme avec Laurent Pelly, c'est aussi "une relation d'amitié de plus de 30 ans". "Le plus souvent, c'est moi qui écris, c'est lui qui met en scène". Elle égrène la fécondité de leur association, d'Aristophane à Goldoni, les adaptations des nouvelles de Tennessee Williams, "Masculin féminin" de Jean-Luc Godard ou encore les opéras, avec pas moins d'une dizaine d’œuvres d'Offenbach.

Elle s'étonne : "le public a toujours été là. Un public curieux, de gens ouverts, un public vivant et très bienveillant". Depuis l'annonce de son départ, elle est très touchée par les témoignages d'affection des Toulousains: des gens l'arrêtent dans la rue pour la remercier, "ils se soucient de ce que je vais devenir".

- Un Proust intime -

Agathe Mélinand ne pense pas à "l'après". Elle est tout à son ultime spectacle "Enfance et adolescence de Jean Santeuil". Une adaptation d'un roman initiatique de Marcel Proust. Pour la metteuse en scène, adapter cette œuvre inachevée de Proust, c'est un projet intime, éminemment personnel. Un désir qu'elle portait depuis l'adolescence: "Je voulais faire Jean Santeuil. Je m'identifiais à mort, Jean c'était moi".

Du millier de fragments épars qui compose ce texte écrit plus de dix ans avant "La recherche du temps perdu", elle a gardé les périodes de l'enfance et surtout de l'adolescence. "C'est la découverte de l'amour de l’aristocratie". Son adaptation théâtrale donne un relief particulier à la férocité des rapport familiaux et souligne l'homosexualité sous-jacente dans les relations amicales.

"Quentin Dolmaire, le jeune acteur qui incarne Jean Santeuil, c'est un bonheur de talent, de beauté, de profondeur", lance avec exaltation Agathe Mélinand. Elle avait découvert le jeune homme dans "Trois souvenirs de ma jeunesse" d'Arnaud Desplechin. Quentin Dolmaire incarne avec virtuosité la nonchalance et l'égocentrisme de cet avatar de Marcel Proust, parvenant à conserver la dimension attachante et solaire du personnage.

"Le théâtre peut permettre de se rendre compte que Proust n'est pas exactement celui qu'on croit", précisant qu’au-delà de la férocité, il y a l'autodérision. Evoquant son ultime création à Toulouse, jouée jusqu'au 16 décembre, Agathe Mélinand confesse: "C'est un luxe extraordinaire de travailler avec les équipes du TNT".

hj/chv/cam


 

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