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L'essence E10 serait globalement plus polluante, et provoque une hausse de la consommation de la 98

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E10, essence, 95 E10
 

La polémique enfle autour de l'essence 95 E10, qui a remplacé la 95 dans nos stations-services. S'il n'y a que les voitures plus anciennes qui ne supportent officiellement pas ce biocarburant, d'autres véhicules pourraient subir des dégâts à court et long terme, tandis que ses vertus écologiques sont démontées. Autre conséquence constatée par nos soins: la consommation de la 98, plus chère, a pratiquement doublé chez un des gros distributeurs !

Depuis le début de l'année 2017, vous l'avez assez entendu, l'essence 95 a été remplacée purement et simplement par du carburant comprenant au maximum 10% de bioéthanol, baptisée 95 E10, ou E10.

Malgré les promesses des autorités fédérales à l'origine de cette mesure (c'est le SPF Economie qui est compétent dans ce domaine), les avantages ou les bienfaits de l'essence E10 sont de moins en moins évidents… Les critiques, elles, de plus en plus virulentes.

Nous vous avions déjà évoqué celles de deux conducteurs, Michel et Antoine, qui se plaignaient d'une hausse de la consommation plus importante qu'annoncée et d'une panne qui serait due à cette nouvelle essence.

Cette fois, c'est l'enquête menée par nos confrères de Moto 80, un magazine belge dédié à la moto, que nous relayons. Nous avons discuté avec André Paquay, l'un des journalistes qui a investigué. "Colmatages assurés pour les motos?", "Témoignage unique, témoignage nul", "Il n'y a rien d'écologique dans l'essence bio"… les titres du dossier paru dans le numéro de janvier 2017 sont édifiants.

Dégâts sur des motos pourtant reprises dans la liste des véhicules compatibles avec E10

L'un des problèmes qui semble le plus évident, c'est la différence entre le discours rassurant des autorités par rapport à l'E10, et la réalité du terrain. Selon André Paquay, si les concessionnaires motos n'osent pas trop critiquer ce biocarburant, les importateurs seraient nettement moins positifs, ou la déconseilleraient carrément.

Pourquoi ? "Il peut y avoir du colmatage (quand un filtre se retrouve obstrué ou bouché, empêchant le passage de l'essence, NDLR), de la corrosion (rouille) car beaucoup de réservoirs dans les motos sont en métal, c'est le cas de toutes les Harley par exemple. La rouille dans le réservoir peut boucher les filtres, etc", nous a précisé le journaliste spécialisé.

Selon lui, "il y a vraiment beaucoup de bécanes qui sont concernées, contrairement à ce que dit le gouvernement". Parmi ces "bécanes" abîmées par l'E10, certaines font en effet partie de la liste officielle des véhicules compatibles. Cette liste figure sur le site internet de la Febiac. Pour la petite histoire, selon les 'autorités', les Harley-Davidson seraient… toutes compatibles avec la 95 E10.

Mais on n'en parle pas trop car, comme le soulève le magazine wallon, "pour un constructeur renommé, avouer que ses motos ne peuvent pas rouler à l'E10 constituerait, évidemment, une publicité négative".

Un faux argument écologique: les biocarburants rejettent plus de CO2…

L'enquête de Moto 80 démonte ensuite l'argument écologique de la présence de bioéthanol dans nos carburants. N'ayant pas obtenu de réponse significative en Belgique, le magazine s'est tourné vers nos voisins français, où France Nature Environnement, fédération des associations pour la protection de la nature et de l'environnement, a un avis bien tranché.

"En gros, il m'a dit que c'était de la merde. Et il s'étonnait qu'en Belgique, les gens n'aient pas le choix, alors qu'en France, la 95 et la 95 E10 coexistent".

Plus important, le président de cette association, Jean Thevenon, a été catégorique: les agrocarburants comme la 95 E10 possèdent tous un bilan carbone négatif. Ils seraient donc au final plus polluants, contrairement à l'argumentaire du SPF Economie qui parle d'un geste pour la planète…

La raison: ils entraînent une hausse de la consommation du moteur (normalement 1 à 2%, mais ça pourrait être plus), et leur fabrication pollue par la culture de la biomasse nécessaire à l'élaboration du carburant, les pesticides utilisés, le transport des matières premières, etc… Au final, l'association française évoque une hausse du rejet de CO2 de 10 à 20%.

La très réputée revue Sciences et Vie, dans un numéro de septembre 2016, a consacré un article aux agrocarburants, et avance des chiffres moins alarmants: utiliser des agrocarburants 'pollue' 3 à 4% de plus que le fait d'utiliser du carburant classique.

Le simple résultat d'un intense lobby politique ?

Et si finalement, l'obligation d'utiliser 10% du bioéthanol dans la 95 n'était que le fruit d'un intense lobby au niveau des autorités belges et européennes ? L'agriculture se disant à bout de souffle dans nos contrées, la filiale des agrocarburants est une bulle d'air inespérée pour certains acteurs du secteur.

Il n'en faut pas plus pour spéculer sur la présence de la 95 E10, qui visiblement n'a rien de très écolo, et risque de causer des dégâts aux voitures. Ce carburant n'aurait de raisons d'être que politiques et économiques, à savoir trouver d'autres débouchées pour les agriculteurs belges.

Nos confrères de Moto 80 ont également discuté avec Olivier Neirynck, directeur technique de la Fédération des négociants en combustibles et carburants (BRAFCO). Cet observateur averti confirme la théorie du lobby. "C'est évident, les lobbies ont fait le forcing. C'est un secret de polichinelle. On compte quatre producteurs de bioéthanol et tous étaient particulièrement intéressés à ce que l'Europe favorise leurs vues pour récolter les picaillons. Il y a des associations très puissantes, y compris le Boerenbond, qui ont joué à ce jeu", a-t-il déclaré au magazine.

Le Boerenbond est une puissante organisation sectorielle flamande (et catholique), qui s'occupe des intérêts de tous les acteurs du monde agricole en Flandre et dans les cantons de l'est.

Rappelons cependant que l'Europe, dans sa directive 2009/28/CE, stipule que "chaque État membre doit veiller à ce que la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans toutes les formes de transport en 2020 soit au moins égale à 10 % de sa consommation finale d’énergie dans le secteur des transports". Mais une énergie renouvelable n'est pas toujours moins polluante…

De plus, imposer le bioéthanol à hauteur de 10% dans la 95 (essence la plus utilisée en Belgique) est sans doute la méthode la plus simple pour arriver à ce chiffre. Mais ça n'est certainement pas la seule. D'ailleurs, les autres pays européens, comme la France, n'imposent pas la 95 E10, mais la proposent simplement en station.

Lukoil a doublé ses ventes d'essence 98

La mauvaise presse – en grande partie justifiée, on vient de le voir – autour de la 95 E10 (maximum 1,473€ le litre au 27 février dernier) est accentuée par le fait que ce carburant est plus cher que l'ancienne 95 (maximum 1,450€ le litre). Alors qu'en France, c'est l'inverse, elle est légèrement plus abordable.

Pour autant, si vous préférez changer de carburant et passer à la 98, ce sera encore plus cher: maximum 1,532€ le litre ! Et pourtant, c'est ce que font une partie des Belges. Cela se vérifie dans les chiffres de deux grands distributeurs de carburant chez nous.

PetrolFed, la fédération des pétroliers, n'avait pas de chiffre à nous communiquer avant la fin du premier trimestre 2017. Nous avons donc été voir du côté de Total et de Lukoil.

Ce dernier a vu la consommation de 98 pratiquement doubler entre 2016 et 2017. Selon des chiffres que nous avons pu obtenir, de 2,46%, la part de 98 écoulée dans les stations de Lukoil est passée à 3,99%. Des chiffres à relativiser: la 95 reste largement plus utilisée en ce début d'année 2017, avec 24,9% (contre 25,87% en 2016).

Même son de cloche chez Total, qui "constate une légère hausse" de la demande de 98 en 2017, sans donner de chiffres. "Mais c'est compréhensible, car un certain nombre de voitures ne sont pas compatibles. A cela faut-il sans doute ajouter un certain nombre de personnes qui n'osent pas faire le pas de la 95 vers la 95 E10", nous a expliqué Pascal de Crem, responsable de la communication du groupe. 


 

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